Distinguer modèle économique et modèle d’affaire

Xavier Baron

Version du 28 mars 2017

Le projet du Consortium de Recherche de l’Ile Adam relève d’un pari, d’un constat et d’une hypothèse. Le pari est celui de la pertinence d’un investissement en recherches et en expérimentations au profit d’un secteur émergent, le Facility Management[1]. Ce secteur est porteur d’une promesse de performance par l’ambition d’intégration des services. Notre constat[2] cependant est qu’il se heurte à une impasse majeure. Les activités du FM sont servicielles[3]. Elles continuent cependant d’être pensées et gérées comme industrielles. Loin d’être seul en cause, ce secteur est emblématique[4] des mutations que nous connaissons du fait de la mondialisation, des technologies numériques, de la servicialisation et des évolutions des attentes des travailleurs. Notre hypothèse enfin est que le développement du modèle économique du FM, plus encore que d’autres, est handicapé par un modèle d’affaire inadéquat.

Externalisées, ces activités sont désormais « marchandisées ». Le travail collectif qui était géré dans le cadre d’un rapport direct de subordination doit être organisé différemment. Alors que le modèle économique du FM organise une coproduction de services aménitaires, sa valeur n’est pas correctement prise en compte par son modèle d’affaire actuel. Ce dernier reste focalisé sur l’exécution de prestations monétisées pour l’essentiel en référence à des coûts, sans en maîtriser ni l’expression du besoin, ni la mesure de la valeur. Prendre la mesure de ce décrochage permet de mieux comprendre ce qui est en jeu dans le travail, la répartition de la valeur entre partenaires, dans les territoires et sur les relations à construire entre prestataires et bénéficiaires.

Quelle création de valeur pour quel modèle d’affaire ?

La distinction entre modèle économique et modèle d’affaire que nous mettons ici en avant est ignorée dans la compréhension néoclassique de l’économie et par la plupart des outils de gestion existants. Par cette distinction, nous prenons parti. Elle prend sens à condition de se situer en dehors du cadre théorique de l’économie néoclassique. Pour la pensée économique « orthodoxe », « la notion de valeur (économique s’entend) ne saurait avoir de sens en dehors de la sphère marchande. Les biens n’ont pas de valeur intrinsèque ; ils en acquièrent sur le marché par la confrontation de l’ensemble des offres et des demandes, qui manifestent les conditions de leur obtention technique par les « producteurs » et celle de leur usage par les « consommateurs ». Si l’on adopte un tel schéma, on ne peut plus distinguer l’évaluation et la valorisation. La valeur est créée par la combinaison complexe de l’ensemble des évaluations (la confrontation des offres et des demandes) »[5].

Pour les hétérodoxes de l’économie des conventions, la valeur économique n’est pas soluble dans le marché seul. L’échange économique n’est possible que dans la mesure où lui préexiste une entente, une convention sur la qualité des biens échangés et sur les instruments cognitifs qui permettent de l’appréhender. La valeur économique préexiste à l’échange. Elle n’est pas constituée par l’échange, mais valorisée par l’échange, que cela soit sur le mode du don ou, comme c’est le cas le plus général, par un achat/vente, soit un transfert de droits de propriété d’un bien et/ou du bénéfice de son usage.

Cette distinction est centrale pour notre objet. Le modèle d’affaire n’est pas le simple « calque » monétaire du modèle économique. Des biens et services produits, sont peu ou mal vendus. Au contraire, des rentabilités favorables peuvent être assises sur des distorsions de l’information, des mécaniques de prédations de marges au bénéfice de positions dominantes, des marchés déséquilibrés…, sans contrepartie de valeur. Elles alimentent la défiance entre parties prenantes, alors même que la confiance est une condition sine qua non d’une performance assise sur la coopération.

 

1 – Du réel au monétaire, deux modèles pour une même réalité

L’entreprise comme la valeur qu’elle produit sont des réalités, mais des réalités complexes et d’autant plus abstraites qu’elles sont de plus en plus servicielles. Pour les cerner et mieux les maîtriser, des concepts sont nécessaires.

Un double processus, d’évaluation et de valorisation

L’entreprise se distingue d’autres structures humaines et sociales par sa finalité économique. La famille est constituée sur une finalité de reproduction et de protection de ses membres. Une armée nationale doit assurer la sécurité de ses citoyens. L’entreprise est finalisée sur l’obtention de la performance économique[6]. Cette performance fait le sens/finalité de l’entreprise, et indique le sens/orientation de l’activité et des organisations. Sa définition intéresse tout autant ses actionnaires que ses salariés et son environnement, mais elle est généralement de la responsabilité particulière de ses dirigeants (visions, stratégie), à charge pour les salariés (managers ou non) de transformer des moyens et du travail dans le sens de la performance attendue.

Quelle que soit sa définition, la performance est cristallisée dans l’output d’une valeur économique, c’est-à-dire une production d’utilité sociale (par l’usage de biens et de services). Mais comment qualifier cette valeur ?

Rappelons ici la distinction proposée par François Vatin[7] : « L’évaluation désigne l’ensemble des opérations pratiques par lesquelles une valeur est associée à un bien (ou service), tandis que la valorisation dénote la constitution de cette valeur comme valeur économique ». La valeur dans cette distinction est double :

  • elle est une production qui est évaluée (par anticipation ou a posteriori),
  • elle est instaurée comme support d’un échange, une marchandise, ce qui suppose une opération supplémentaire de valorisation.

Double, la valeur est donc constituée par deux processus sociaux distincts.

Pour qu’elle soit une valeur économique, la production de biens et de services doit être porteuse d’utilité sociale. Cette utilité sociale, même aussi évidente qu’elle puisse paraître parfois (en situation de pénurie par exemple), n’existe pas en soi. Pour être constituée comme telle par l’ensemble des parties prenantes, elle donne lieu à un jugement à l’aide de processus d’évaluation (ceux du marché ou d‘une décision publique par exemple) qui débouchent sur une convention/entente.

Mais pour être pérenne, l’entreprise/projet collectif doit encore dégager de son activité un profit permettant de rétribuer l’ensemble de ses parties prenantes, de l’impôt aux salaires, en passant par ses fournisseurs, les propriétaires du capital, les financeurs, et permettant de garantir une compétitivité durable par l’investissement. L’utilité sociale produite par le modèle économique de l’entreprise doit donc faire l’objet d’un second processus, elle doit encore être valorisée, c’est-à-dire, rencontrer un consentement à la dépense (privée ou publique) si possible au moins égal aux investissements nécessaires.

Modèle économique d’entreprise et création de valeur

Le Modèle Economique (ME) est une construction sociale. Elle résulte d’une pensée sur les conditions de la performance de la production et du travail. Il intègre plusieurs « sous – modèles » :

  • de production, mais également,
  • de consommation,
  • de monétisation,
  • de répartition,
  • de redistribution.

Notre objet concerne sa déclinaison au niveau de l’entreprise ; L’entreprise se définit par une dynamique de création collective de valeur économique (CF les travaux de Blanche Segrestin et Armand Hatchuel[8]). La production efficace n’est plus individuelle. Elle ne se résume ni à un inventeur, ni à la capacité de dégager un profit. Elle suppose des investissements qui excèdent en général les capacités d’une personne. Elle exige un management pour susciter et intégrer les progrès technologiques, pour organiser des formes collectives de production. Elle doit penser sans cesse de nouvelles compétences, de nouveaux métiers, des manières renouvelées de travailler ensemble pour maîtriser la complexité, les technologies, innover, répondre à des besoins nouveaux.

De ce point de vue, notons l’entreprise est une réalité large et encore mal constituée en droit. L’entreprise moderne a trouvé un relai puissant s’agissant de sa capacité à coordonner le travail collectif dans le rapport salarial. Celui-ci institue un rapport de subordination, soit une relation d’autorité asymétrique que le droit du travail régule. Mais si l’entreprise doit s’identifier comme employeur, avec des chefs d’établissement responsables, elle ne connait pas vraiment de définition juridique au-delà de ce que le droit commercial appréhende limitativement en termes de « Société ». Les détenteurs d’actions sont propriétaires d’une part du capital, mais ils ne sont ni les managers ni les propriétaires de l’ensemble des actifs (notamment immatériels) que rassemble l’entreprise. La notion même de « chef d’entreprise » n’apparaît pas, sauf pour constituer la responsabilité en cas d’accidents du travail. L’entreprise réunit ainsi des apporteurs de capital et des apporteurs de travail. Les uns et les autres sont parties prenantes d’un écosystème constitué de son environnement, avec ses partenaires et ses clients.

Le modèle économique de l’entreprise met en œuvre le système par lequel l’entreprise produit de la valeur. Il est une représentation opératoire des modalités par lesquelles du travail et une certaine combinaison des moyens matériels et immatériels permettent d’obtenir des supports d’utilité sociale.

Dans le champ industriel, il s’agit d’une performance dans la transformation de matières, dans la conception et la mise à disposition de biens d’équipement ou de biens de consommation. Dans le champ des services, il s’agit de combiner du travail, des équipements, des informations et des relations en vue d’une modification favorable de l’état des bénéficiaires, de leurs capacités et de leurs environnements.

Cette valeur est constituée de son « output », des biens et des services susceptibles d’être commercialisés et valorisés. L’output intègre également des externalités (non intentionnelles, CF. plus loin) et des effets en retour. C’est notamment le cas de l’activité de travail qui a des effets en retour sur le travail lui-même (capacité d’agir, travail de qualité) et sur les personnes (compétences, santé voire « bien-être »[9]) qui le mettent en œuvre, y compris dans sa qualité de sens de l’activité pour les salariés ; des efforts qui en « valent la peine ». Enfin, l’entreprise par ses choix et son management, intentionnellement ou non, poursuit et réalise de fait une performance qui n’est pas seulement technique ou financière. Elle est également sociale, environnementale (RSE)[10]…, avec là encore des enjeux particuliers d’évaluation et de valorisation.

Modèle d’Affaire et monétisation de la valeur

Pour assurer les cycles allant de la production d’utilité sociale à la rétribution des parties prenantes, le modèle économique de l’entreprise doit trouver sa traduction dans un modèle d’affaire. Le modèle économique précède (et conduit en principe) la constitution de son modèle d’affaire, mais ce dernier doit lui permettre de se pérenniser et de se développer. Quel est–il ?

Le Modèle d’Affaire (MA) de l’entreprise est le dispositif par lequel tout ou partie de la valeur économique produite par cette entreprise est valorisée sous une forme monétaire.

Cette seconde opération de valorisation monétaire, ou processus de monétisation, s’adosse à l’évaluation de l’utilité sociale (des biens et des services) produite par l’activité de production. Elle est en pratique largement anticipée. Elle résulte cependant de conventions et de dispositifs distincts, permettant de valoriser ce qui est évalué positivement. Ils permettent de fixer un prix à ce qui a de la valeur. La valeur est le produit du modèle économique de l’entreprise (un output). Les modalités de traduction monétaire de cette valeur (un outcome) caractérisent son modèle d’affaire.

La traduction d’une évaluation économique en un prix est réalisée le plus souvent dans le cadre d’un échange sur le marché ou par un choix de dépense publique. S’agissant de biens comme de services, l’essentiel de cette monétisation intervient à l’occasion d’un transfert de droit de propriété, par la vente d’un bien, ou par la « mise à disposition temporaire d’un équipement ou d’une compétence[11] » (définition intrinsèque de la production de services). Il sanctionne la capacité de l’entreprise (du système de production) à dégager un résultat positif. La performance économique est alors traduite en une performance monétarisée, laquelle détermine la rentabilité financière. Elle est de court terme et par construction, mesurable.

Des construits sociaux traduisant des croyances

La valeur économique (ME) comme sa traduction en une valeur monétaire (MA) n’existent pas en soi[12]. La valeur est toujours construite socialement par un jugement (voire un désir) qui l’établie comme telle. Sa définition est opératoire par des représentations de la performance de l’entreprise (et de son activité) dont la formulation revient aux dirigeants. Elle est d’origine multiple.

Dans l’entreprise privée, sa définition comme l’identification des modalités de son obtention sont des croyances de la responsabilité de l’entrepreneur et des directions d’entreprises.

Dans les services publics, elle engage la responsabilité de l’Etat. La valeur (de l’éducation, de la défense…) est déterminée par une croyance alimentant des décisions politiques d’arbitrage entre une utilité sociale intentionnellement recherchée et l’acceptabilité des prélèvements.

Dans tous les cas, c’est une construction complexe et évolutive, influencée par les croyances de toutes les parties prenantes y compris les organisations syndicales, les pouvoirs publics, l’opinion publique et les médias… Ainsi, un ME propose une organisation opératoire spécifique à un système de production particulier des moyens de répondre à des attentes (des croyances) qui définissent ce qui fait « valeur », ce qu’est une « utilité sociale ». C’est un construit social parfois intentionnel, mais c’est aussi un fait social qui s’impose aux individus, un construit situé. Il dépend d’un contexte, il est situé dans une période, une géographie, une culture, un territoire. Il est valide à un moment et pour une durée. Il est le produit d’une évaluation par des acteurs particuliers dans des processus donnés…

Dans le Modèle Economique, la performance est équivalente de la capacité à produire durablement une qualité de biens ou une pertinence des services[13] correspondant à des attentes. Cette performance est définissable sur différents horizons de temps, court, moyen et long terme. Elle est immédiate et médiate, mesurable ou non. Elle est économique et sociale. Elle est toujours susceptible de redéfinition quant à ses modalités d’obtention du fait des évolutions des attentes (d’utilités) sociales, de leurs solvabilités, mais également des avancées et des ruptures technologiques par exemple. Economique et sociale, c’est un construit résultant des processus et dispositifs d’évaluation de l’utilité sociale des outputs. Encore faut-il qu’il rencontre une traduction dans un modèle d’affaire qui lui permette de valoriser ce qui a été évalué. Dans tous les cas, la valeur n’est pas substantielle, elle n’est pas dans les objets. « Elle est dans une production collective qui permet la vie en commun. Elle à la nature d’une institution »[14].

 

2 – Des écarts et des impasses dans la traduction

Tout particulièrement dans le cas des services en général et du FM en particulier, notre hypothèse est qu’un décrochage intervient dans le passage d’un registre de la valeur à l’autre ; du processus d’évaluation à celui de valorisation et de monétisation. Non seulement l’évaluation est une opération particulièrement difficile pour les services FM[15] (par nature non mesurables et non dénombrables), mais de surcroît, la valeur issue du modèle économique n’est pas intégralement ni correctement valorisée.

Ce n’est probablement pas complètement évitable. Il y a toujours un décrochage, une inadéquation problématique entre le modèle économique et le modèle d’affaire. C’est lié à une contradiction entre la spécificité /diversité des modèles économiques d’entreprises, d’autant plus situés qu’il s’agit de services, et le caractère normé des modèles d’affaires. C’est lié également, à la difficulté s’agissant de prendre en compte des pans entiers de la valeur que constituent les externalités.

La monétisation prend mal en compte les spécificités

Le processus de traduction de la valeur économique en valeur monétaire introduit l’espace d’une équivalence entre des objets incommensurables, souvent au prix d’un lissage des spécificités, mais au profit d’une fongibilité théorique ramenée à des grandeurs numéraires. C’est vrai de toutes les productions, industrielles ou servicielles, tangibles ou immatérielles. Et c’est bien la vertu de la monétisation que de mettre en balance des choses qui ne sont pas de même nature ; une automobile de luxe et des biens alimentaires, le sourire d’une hôtesse d’accueil et la propreté d’un sol, l’ergonomie d’un poste et une place de cinéma. Dans ce passage d’un registre à l’autre de la valeur, il ne faut pas s’étonner que des différences apparaissent, que des déplacements s’opèrent. Toute traduction est nécessairement une réinterprétation.

Ce déplacement s’avère cependant particulièrement délicat dans le cas des services. La traduction d’une utilité en un prix induit en effet une hypothèse d’équivalence, une forme de standardisation entre toutes les utilités accessibles au même prix. L’opération de monétisation tend à standardiser ce qui est singulier, à rendre « générique » ou interchangeables ce qui est situé et contextualisé dans la valeur du travail. Ce qui est déjà une difficulté pour n’importe quel produit tangible est amplifié pour les services. Même ainsi « écrasées » par la mise en équivalent monétaire les spécificités des produits tangibles (agricoles, industriels…) restent identifiables (contrôlables, mesurables), y compris sur une certaine durée. Une machine à laver d’un type et d’une marque donnée, fabriquée en France ou en Pologne, reste une machine à laver. Si l’on ne valorise la production que relativement aux coûts supportés directement par l’entreprise (si l’on ne tient pas compte des coûts sociaux et environnementaux), une forme d’avantage compétitif par les prix est évidemment possible en recourant à des environnements low cost. Un bien, même non vendu et stocké, garde une partie de sa valeur économique. Il est relatif à son potentiel d’usage, même différé. Non demandé, sa valeur marchande, voire sa valeur d’usage sont progressivement réduites, mais non éradiquées. Le produit existe, il a des attributs propres. Cette valeur pèse d’ailleurs sous la forme de coûts (valeur négative) de stockage voire, de destruction in fine.

Il n’en va pas de même pour les services qui constituent pour l’essentiel des productions immatérielles non stockables ni délocalisables. Un service rendu par une personne dans un contexte situé est toujours spécifique. Il n’y a pas de standardisation, pas de nomenclature. La valeur n’est pas substantielle mais relationnelle[16]. Elle n’agit pas sur le bénéficiaire par l’avoir mais par l’être ; une modification de son état et de son environnement. Un service n’existe donc qu’à condition de s’inscrire dans une relation. En dehors cette relation et sans pertinence située, le service n’existe tout bonnement pas comme valeur économique. Il n’est plus qu’une dépense. Là réside un enjeu important de notre distinction. Le risque de « décrochage » dans la non conversion de la valeur économique en valeur monétaire est bien plus important pour les services que pour les biens produits. Ce risque d’une non reconnaissance du travail, voire d’une mise en invisibilité[17] est d’autant plus présent dans le cas des services que la financiarisation[18] impose des critères normés (mesurabilité, marchandisation…) à une valorisation de court terme.

L’output n’est pas l’outcome

La distinction « output/outcome » est ici éclairante des enjeux de mesure de l’évaluation dans le ME et de la valorisation[19] dans le MA.

Dans le Modèle Economique, l’output est la première finalité. C’est le sens de l’activité de production. Il est double. Il est constitué de biens et de services, mais également d’un effet sur les actifs matériels et immatériels qui conditionnent et environnent la production. Ces actifs sont constitués des ressources amont, plus ou moins préservées, reconstituées, restituées…, qu’elles soient valorisées ou non. Ces actifs se retrouvent également en aval, une production de bien tangibles ou serviciels enrichies, mais en contrepartie, pour parties « consumées » par l’activité de production (les ressources naturelles, l’énergie). Les impacts (négatifs et positifs) des activités de production sur les ressources immatérielles (les compétences, la qualité de l’environnement naturel..) font partie intégrante du ME. Ils sont un « output » positif quand la production est l’occasion d’un enrichissement de ces actifs. Ils sont un output négatif quand la production use ou détruit les actifs immatériels à l’instar des actifs matériels consommés (détruits) comme les matières premières, ou de l’usure des équipements par exemple.

Par différence, le Modèle d’Affaire s’intéresse aux « outcomes ». Par le jeu de l’équivalence monétaire, il ne mesure que ceux qui sont normés et chiffrables. Il méconnaît tout à la fois les actifs immatériels nécessaires (non marchandisés) et les effets/impacts en retour des modalités de la production sur ces actifs[20].

Des modèles d’entreprises spécifiques versus des modèles d’affaires normés

Pour dégager le profit nécessaire, toute entreprise doit construire en même temps qu’une valeur économique, un modèle d’affaire adéquate. Le MA est en principe second, il dépend du ME. Il valorise et monétise une valeur produite par le ME. Un MA qui ne serait pas fondé sur un ME pertinent et soutenable sur la durée (performant) est condamné à terme, aussi bien à l’échelle de l’entreprise que d’un secteur. Sur la durée, le MA doit donc être suffisamment cohérent avec le ME. Le fait est qu’il ne le « représente » ni toujours fidèlement, ni surtout complètement. En pratique en effet, outre l’effet « traduction », ce dernier doit se conformer aux modèles d’affaires existants voire dominants.

Les outils de gestion, les normes comptables et les critères financiers s’imposent à tous. Le modèle d’affaire est adossé à des dispositifs institués et normés de valorisation. Il ne respecte jamais exactement les spécificités du modèle économique qu’il valorise. Il est surdéterminé par des normes et des représentations. Il est fondé sur des concepts et des outils qui ne sont ni créés par l’entreprise seule, ni « optionnels ». Ils s’imposent aux acteurs s’agissant par exemple de publier des résultats, concourir à l’obtention de financements ou de crédits.

La valeur économique produite par une entreprise n’est ni nécessairement ni intégralement valorisée et monétisée. Inversement, un modèle d’affaire peut monétiser des biens ou des services au-delà de leur valeur économique par effets de rente, d’aubaine ou de domination.

Ce qui importe ici est de souligner que, par construction, l’entreprise est maîtresse de son modèle économique, mais qu’elle n’est en général pas capable d’imposer ses propres standards de valorisation. C’est encore plus vrai d’un secteur émergent. Il est dans l’obligation d’inventer un modèle économique nouveau pour chacun des acteurs, en même temps que son modèle d’affaire à une échelle plus vaste. Parfois l’entreprise, par la taille, le respect de normes ou des phénomènes de mode et de mimétisme, se voit contrainte à investir dans les « fonctions transverses » et particulièrement dans un contrôle de gestion ultra développé mais inadapté, on comprend qu’elle puisse en arriver à bloquer d’elle-même sa propre production. En répondant à des standards de modèles d’affaires (des normes de gestion) non pertinents pour son propre modèle économique, elle risque d’entraver ses capacités d’innovation et d’empêcher même un travail de qualité[21]. Notre hypothèse est que le secteur du FM est pris dans cette contradiction. Les donneurs d’ordres sont en difficulté pour payer pour une valeur non déterminée par des coûts et les prestataires sont tout autant en difficulté pour engager des moyens pour une valeur non acceptée.

Une sous valorisation des externalités

Par définition (et parfois par convention), le ME intègre les externalités de l’activité, économiques bien sûr, mais également sociales, environnementales…, à l’échelle de l’entreprise et de son territoire. Par externalités, on désigne les effets non intentionnels de l’activité de production, secondaires ou non, immédiats et/ou médiats, positifs ou négatifs. Ces externalités sont relatives par exemple à l’environnement, du fait de la production de déchets, la pollution des éléments, l’encombrement de l’espace ou au contraire la préservation des ressources naturelles…. Elles sont économiques à travers un effet de « patrimoine » positif ou négatif sur les actifs matériels et immatériels ; par exemple, par la promotion d’une qualité des transports publics ou d’un niveau d’éducation de la main d’œuvre locale. Elles sont sociales par des effets sur les compétences, la santé, la sécurité, l’emploi….

Négativement, les exemples de cas de destructions volontaires d’actifs (matériels et surtout immatériels) qui débouchent sur une forme de valorisation rapide par le modèle d’affaire ne sont pas rares. La fermeture d’usines rentables pour les délocaliser par exemple, correspond à une destruction immédiate et médiate d’actifs. Des opérations de rachats massifs d’action par l’entreprise elle-même font monter les cours des actions, au détriment de sa capacité à investir en R&D, à enrichir ses actifs. Dans le cas de produits industriels, l’argument de la compétitivité peut être invoqué et pour partie recevable lorsque la qualité est respectée et si l’avantage client est bien répercuté. Dans tous les cas, ce que le MA gagne en rendement financier de court terme correspond à un sacrifice durable en valeurs de compétences, d’immobilisations, d’environnement et in fine, de confiance de ses propres salariés et de ses clients.

Si le ME intègre et génère des externalités, le MA peut (et cherche souvent) à éviter d’intégrer (de payer pour) les externalités négatives et à tirer au contraire le bénéfice maximum des externalités positives (générées par d’autres et les territoires) au profit de l’entreprise. Produire des machines à laver en Pologne ou imposer à des populations éloignées les pollutions d’une production évaluée et consommée chez soi démontre, s’il en était besoin, qu’un modèle d’affaire peut valoriser différemment des utilités sociales comparables en termes d’usage, mais d’un coût social et environnemental au contraire plus élevé. Là encore, cette question des externalités est générale à toutes activités et secteurs. Elle est, là encore, plus particulièrement posée pour les activités dont la production est largement immatérielle et débouche sur des productions non tangibles, c’est-à-dire non dénombrables et non mesurables. Elle est encore plus en « question » pour le FM dont la valeur n’est pas seulement (voire principalement) directe (se conformer à des prescriptions) mais indirecte et souvent différée.

 

3 – Les risques associés à l’inadéquation entre les deux modèles

Pour le secteur du FM en particulier, nos précédent travaux et constats conduisent à souligner deux conséquences particulièrement problématiques de l’inadéquation entre les modèles économiques de l’activité et les modèle d’affaires des entreprises ; une mise en invisibilité du travail et des comportements de prédation de la valeur dans la chaine.

Une mise en invisibilité du travail au risque de sa maltraitance

La mise en invisibilité du travail et sa maltraitance sont certainement les risques les plus importants d’une désarticulation (ou inadéquation) durable entre ME et MA. Le modèle économique du FM repose en quasi-totalité sur un travail dont la valeur, au-delà de la conformité, réside dans une pertinence située de l’exercice intelligent du travail. C’est justement une des réalités que les outils de valorisation ont le plus de mal à appréhender, au risque avéré d’une mise en invisibilité du travail et de sa maltraitance contreproductive.

Ce n’est pas réservé au FM. Un conseil pertinent obtenu du vendeur d’un magasin produit bien une valeur pour le client. Celui-ci peut cependant parfois éviter de la rétribuer en achetant ailleurs le produit conseillé, en ligne par exemple, vendu moins cher. La valeur ajoutée, certes immatérielle mais réelle produite par l’un, est captée par un autre.

Le FM, c’est du service. Et plus encore que dans d’autres services, c’est du travail. 85% à 93% des dépenses de FM sont constitués des coûts salariaux. Quand les modèles d’affaires dominants (industrialistes et financiarisés) convergent sur une mise en invisibilité du travail, il n’est guère étonnant qu’ils peinent à monétiser une valeur qui leur échappe.

En pourtant, la dimension de don (et de contre don) est toujours présente dans le travail. Les ergonomes le montrent, la production efficace n’est possible qu’à condition d’un engagement subjectif intelligent de la part des œuvrants et d’une coopération réelle avec les bénéficiaires dans le traitement des écarts entre le prescrit et le réel. C’est bien parce que chacun fait des efforts, souvent invisibles (parfois même clandestins) et pas nécessairement rémunérés, que le « travailler ensemble » est possible et productif.

En pratique, le MA méconnaît les actifs immatériels ou relationnels, qu’ils soient regardés comme des ressources ou comme des résultats. On pense notamment à la confiance, à la qualité relationnelle, à la compétence ou à la santé. Ce sont des actifs longs et délicats à construire, rapide à détruire. Le ME peut aussi « faire travailler le client ». Il est alors coproducteur de valeur. Le Modèle d’affaire peut (et c’est souvent un objectif) simplement capter le bénéfice du travail du client au profit de l’entreprise[22]. Dans ce cas, un gain immédiat sera obtenu, mais au prix d’une perte à terme de qualité de service et de confiance.

Prédation de la valeur dans la chaine de coopération alimentant la défiance

Ce risque est présent dans tous les cas où une domination sur les parties prenantes de la création de valeur dans la chaine permet à un acteur dominant de bénéficier d’un MA plus favorable que ne l’est son ME. La capacité de « donneurs d’ordre » à imposer une valorisation par les coûts, indépendamment du bénéfice réel en termes d’utilité qu’il tire d’un service, constitue évidemment une tentation de capter à leurs profits la valeur économique produite par des services de qualité. Le sens de la prédation n’est cependant pas nécessairement univoque comme en témoignent la permanence d’une forte défiance[23] entre « partenaires ». Par le jeu des appels d’offre, des mises en concurrence périodique, des clauses contractuelles…, ce risque est évidemment présent dans les relations entre donneurs d’ordre et prestataires, mais également, entre FMers et sous-traitants de second et troisième rang. La prédation de marges sur les sous-traitants est si banale qu’elle en est une quasi-règle des bonnes pratiques d’achat. Elle peut s’étendre à l’exploitation illégitime et non partagée du « travail des clients »[24], ou encore d’activités déployées sans le respect des parties prenantes que sont l’Etat (évasion fiscale) ou les systèmes de protection sociale (subordination de fait sans assumer la responsabilité afférente à l’employeur en matière de cotisations sociales). Utiliser ici le vocable de « prédation » et non de simple « répartition » de la valeur ajoutée renvoie à une double caractéristique d’illégitimité (dans l’ordre de l’éthique) et d’équilibre sous optimaux (dans l’ordre de l’efficacité économique).

Ce caractère d’illégitimité est évidemment un construit social lui-même évolutif et toujours sujet à discussion. Pour certains, la domination d’un donneur d’ordre sur un sous-traitant peut-être argumentée comme normale, une sorte de « loi naturelle ». Dans la nature, il y a des lions et des gazelles. De même, le fait de tirer profit d’une exploitation d’actifs non appropriables individuellement peut être présenté par certains comme légitime dès lors que la Loi ne l’interdit pas ; abuser de ressources en eaux ou remettre sur le marché du travail des personnes fragiles au bon soin de la solidarité collective par exemple. C’est un effet d’aubaine. La tendance dans d’autres sphères montre pourtant qu’il peut être reproché aux puissants des pratiques légales qui ne paraissent pas morales aux petits.

La légitimité évoquée ici fait référence à un moment d’équilibre dans les processus de construction sociale de ce qui est acceptable dans un rapport de force politique, lui-même relativement stable, entre différents points de vue (moral, éthique, politique, juridique[25]…).

Il n’est pas question ici seulement d’imperfections de marchés, de positions dominantes ou d’exploitation d’effets d’aubaine. Il est question d’inefficacité économique. Le niveau production de valeur dans le modèle économique d’entreprise est fonction de la qualité de coopération interne et externe, avec des opérateurs en amont et en aval, et notamment dans le cas des services, avec les clients finaux eux-mêmes. Cette coopération peut être freinée par le MA[26], voire contredite si la non adéquation des modes de valorisation et d’évaluation est trop importante, laissant la place à une prédation de la valeur au profit exclusif de l’un au détriment de l’autre. De même, au-delà des innovations technologiques, c’est dans une capacité à mettre le travail en visibilité, à me reconnaître, à susciter et valoriser l’engagement subjectif des œuvrants…, qu’une productivité réelle est possible, légitime et durable. Encore faut-il écarter le risque d’une marchandisation excessive de l’homme au risque d’une invisibilité de son travail et de la maltraitance des œ

[1] CF le programme de recherche et d’expérimentations du CRDIA (https://crdia.org/ ), notamment sur la mesure de la valeur des services (enjeu d’instrumentation), les innovations servicielles (enjeu de management) et la pertinence des modalités contractuelles (enjeu de confiance et de reconnaissance du travail) intervenant sur la valorisation des productions externalisées et sous-traitées.

[2] Il a été notamment formulé dans « Le FM à la croisée des chemins », Livre Blanc du Sypemi, janvier 2016, http://sypemi.com/wp-content/uploads/2016/05/SYPEMI_LIVRE-BLANC_HD.pdf .

[3] Nous distinguons ici la notion de logique (industrielle et servicielle) avec celle « d’économie tirée par » l’industrie ou par les services. Il n’y a pas de différence de nature entre l’industrie et les services, mais il y a des services qui sont traités selon une logique industrielle (standardisation, économie d’échelle, division et intensification du travail) et des activités industrielles qui peuvent être traitées selon une logique servicielle (économie d’intégration, de flexibilité, de complémentation, d’adoption…).

[4] Baron X., (2016), « le Facility Management, secteur emblématique de la mutation servicielle », Revue Cadres, Décembre, pp 89-91.

[5] F. Vatin Dir., (2009), déjà cité, p. 15.

[6] Définir la performance comme un construit social, et non comme une réalité en soi souligne le caractère évolutif, culturel, conflictuel potentiellement, de ce qu’une société, un droit, des outils de gestion vont qualifier comme tel (y compris les parties prenantes que sont les clients, les institutions, territoires…). Dans l’entreprise, il appartient à l’entrepreneur de désigner l’utilité sociale attendue. Il appartient à la Direction de définir la performance recherchée. Il appartient ensuite au système de management de l’obtenir. De même, la « qualité du travail » peut faire partie de la performance, tant le travail est lui-même producteur en retour d’une valeur économique et sociale pour ceux qui le réalisent.

[7] F. Vatin Dir., (2009), Evaluer et valoriser, Presses Universitaire du Mirail, Toulouse.

[8] B. Segrestin, A. Hatchuel, (2012), Refonder l’entreprise, La République des Idées, Seuil Paris.

[9] Si le « mal être » peut évidemment handicaper l’obtention de la performance, la réciproque n’a rien d’évident. Le bien être peut faciliter, mais il n’est pas « une condition de la performance ». Cela n’interdit cependant en rien qu’il fasse « partie de la performance » recherchée par l’entreprise.

[10] Non sans constater que la RSE est précisément souvent vécue comme « concurrente » ou contradictoire avec la performance. Economiquement la RSE est valeur. Du point de vue du modèle d’affaire, ce peut être essentiellement l’argument de coûts et de contraintes.

[11] L’usage d’un équipement est traité à l’instar d’une location. Le bénéfice de l’exercice d’une compétence est traité comme un « quasi bien » durant le temps de sa mise à disposition (usufruit).

[12] CF Saadi Lahlou évoquant les entreprises comme une nouvelle espèce pour s’interroger sur notre étrange manière de nous y soumettre. « A persévérer dans leur être, tout comme nous persévérons dans le nôtre, ces organisations-là vivraient (…) à la fois une vie autre que la nôtre, car d’ordre strictement économique… à moins qu’elles n’indiquent le projet qui est le nôtre… et qui n’aurait ainsi de sens que dans un ordre strictement économique. Elles viendraient constituer l’objet obsessionnel de nos décisions et de nos calculs pour nous qui sommes acteurs de ces organisations et consommateurs de leurs fruits ». Saadi Lahlou « Pour quelle espèce travaillons-nous ? » Ethique des affaires 1997.

[13] Sur la définition de la qualité dans les services, voir notre article ; « De l’avoir pour utiliser, à l’être étendu par l’usage », …

[14] CF. Orléan André, L’empire de la valeur, Refonder l’économie, Seuil 2011, La valeur n’est pas dans les objets; elle est une production collective qui permet la vie en commun. Elle a la nature d’une institution ». p 328.

[15] Le CRDIA y consacre un axe de recherche piloté par Thales avec le concours de l’Université de Louvain et du CS de Sciences Po.

[16] Orléan A. déjà cité, page 186. « La valeur économique n’est pas une substance mais une puissance de nature spécifiquement sociale, née de la multitude et étendant ses effets à tous les membres de celle-ci au travers des représentations qu’elle donne d’elle-même ».

[17] Gomez P.Y. « le travail invisible, enquête sur une disparition » François Bourin Editeur, 2015.

[18] Le phénomène de financiarisation déplace ainsi l’ordre des priorités ; Le modèle économique est construit sur la production d’une qualité et perdure à condition d’une rentabilité suffisante. Le modèle économique financiarisé est construit sur l’exigence de rentabilité, faisant de la qualité la variable d’ajustement.

[19] Utile, ce raisonnement focalise l’attention sur les entrées/sorties (réelles ou monétaires) du processus. Il néglige « l’entre » (CF la fiche Mesure de la valeur), ce qui se passe entre les deux, un espace qui est justement celui du travail, le traitement des écarts.

[20] Actifs et ressources désignent en pratique les mêmes objets. L’actif est, mais devient également une ressource quand il est mobilisé. Une grande différence est ainsi dans le fait qu’une ressource matérielle s’épuise généralement dans la production, par différence avec certaines ressources immatérielles qui peuvent au contraire s’accroître dans un « bon usage » productif.

[21] Formule empruntée à Yves Clot.

[23] Ainsi ce patron des services généraux d’une grande entreprise qui, sur le mode de la plaisanterie bien sûr, indique « qu’il n’y a pas plus malhonnête que les garagistes, sauf peut-être les FMers ! ». La défiance comme la confiance sont partagées. Cette plaisanterie trouve son écho dans des remarques des prestataires du type « les patrons des services généraux qui font refaire leur cuisine par les prestataires gratuitement, c’est fréquent », ou évoquant une « sociologie » particulière des responsables de services généraux qui connaîtraient une proportion importante de « bras cassés, d’accidentés de la carrière et d’ivrognes ».

[25] Pour illustrer les différences entre éthique et morale…, Le fait avéré publiquement de la relation entre un Président de la République et une actrice n’est pas juridiquement condamnable. Ce peut être politiquement dommageable selon l’acceptabilité de ce comportement (différente selon les cultures, Clinton n’est pas Hollande). Cela m’est (à moi) moralement indifférent, voire humainement compréhensible. Par contre, ce peut être éthiquement condamnable (selon l’idée que l’on se fait) des exigences de la fonction. Ce n’est ni bien, ni mauvais, mais c’est de l’ordre de ce qui peut se faire, ou ne doit pas se faire.

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