3 février 2018

Contrats

Innovation contractuelle

Xavier BARON.

Version du 08 février 2018, enrichie des apports de Madame Auriane LAMINE (Professeure en Droit social Université Catholique de Louvain) et de Monsieur Jonathan KELLER, Docteur en droit des affaires. 

Concevoir, prototyper et tester un contrat type de coopération FM

Cette recherche expérimentation porte sur des modalités contractuelles innovantes pour améliorer la productivité des services mis en œuvre par les activités de Facility Management (FM).

Elle pose la question de l’élaboration de clauses et de contrats types équitables, se différenciant des formats actuels, sources de défiance et d’effets contre productifs.

L’expérimentation doit permettre de construire collaborativement entre Donneurs d’Ordre et Prestataires, prestataires et sous-traitants ces outils contractuels puis de les tester pour rétablir des relations de confiance entre ces acteurs, confiance qui rétablirait des relations saines entre œuvrants sur site et bénéficiaires finaux.

Les constats et hypothèses à l’origine de la recherche

De nos travaux précédents ressortent les constats suivants :

  • A – Les modalités actuelles de contractualisation privilégient la référence à des Services Level Agreements (SLA). Ces outils décrivent et dimensionnent les prestations à l’aide de délais et de fréquentiels. Ils permettent de valoriser les prestations, le plus souvent à l’aide de coûts unitaires horaires plus ou moins standards. Conçus pour élaborer un référentiel de coûts et faciliter le contrôle (KPI, pénalités), ces indicateurs contractuels focalisent l’accord, comme les dispositifs de pilotage de la production, sur l’exécution conforme de prestations définies techniquement.

Le sens de l’activité humaine (pourquoi nettoyer, pourquoi sourire ?), la qualité recherchée comme la finalité de la relation de service (l’impact sur le bénéficiaire) sont oblitérés derrière un « combien » neutre, chiffré en indicateurs mesurables le plus souvent ramenés à des ratios sur les m², en fréquentiels, heures de travail et en coûts.

  • B – La réduction de l’expression des finalités des services sur la prescription de prestations définies techniquement s’adosse à l’hypothèse d’une capacité effective des Donneurs d’Ordre à définir leurs besoins réels, leurs attentes légitimes, celles de leurs bénéficiaires dans des sites toujours spécifiques. Cette capacité n’est pas effective. Elle est au contraire tendanciellement en diminution au fur et à mesure des externalisations et de la complexité croissante des enjeux de bien-être, comme de réglementation et d’extension du périmètre du FM (environnement, RSE, Property Management…).

La montée en intégration que porte la tendance vers des pratiques de Global FM (un contractant unique pour l’ensemble des services multi technique aux immeubles et aux équipements, et multiservices aux habitants) et la volonté de centralisation des Donneurs d’Ordres (connaissance/maîtrise et besoin de contrôle/compréhension de la dépense), éloignent du terrain du réel les parties prenantes en responsabilité (acheteurs et commerciaux) avec, entre autres, pour conséquences ; l’incomplétude irréductible des contrats, une tendance à la standardisation, le lissage des spécificités des sites, la non prise en compte des enjeux/opportunités de territoires….

Au contraire, l’exigence de professionnalisation croissante et la nature servicielle de l’activité contribuent à renforcer l’expertise discriminante au profit des prestataires au plus près des sites, des acteurs opérationnels et du réel. Si le rapport de forces favorise des « clients » par l’entremise des renégociations du renouvellement des contrats, les donneurs d’ordres sont en même temps de plus en plus dépendants de l’expertise des prestataires et de la qualité de leurs compétences. Ce sont eux qui savent (doivent maîtriser l’expertise) sur ce qu’il convient de faire, site par site, prestation par prestation. Ce sont eux qui sont en capacité de combiner et d’arbitrer…, en fonction des environnements et des moments de déploiement de la relation. Les caractéristiques théoriques de marchés purs et parfaits, dotés d’une information symétrique dans des relations de pouvoir équilibrées ne sont jamais réunies.

  • C – Faute d’une capacité suffisante d’appréciation et de mesures partagées de la valeur produite, les Donneurs d’Ordres renforcent les outils de contrôle a priori (SLA, KPI) et a posteriori (clauses de progrès de réduction des coûts, pénalités). En même temps, la compétence réelle nécessaire à la définition des conditions et des moyens de leurs attentes leur échappe de plus en plus au fur et à mesure que l’externalisation et les gains en massification (multi sites) et en intégration (plusieurs dizaines de métiers concernés) produisent leurs effets sur les économies recherchées par les clients.

Le marché du FM est ainsi doublement déséquilibré au risque d’un cercle vicieux de défiance qui justifie à son tour une multiplication des coûts de gestion contractuelle (contract management). Faute d’accord sur la valeur ajoutée et sur la manière de la répartir à l’occasion des gains de productivité, les négociations et les contrats ne se focalisent que sur les coûts, lesquels, dans le FM sont très majoritairement associés aux salaires des œuvrants. Quand les prestataires de FM sont en difficulté pour équilibrer le rapport de force, ils sont conduits à accepter des offres anormalement basses. Sur la vie du contrat, la principale variable d’ajustement dont ils disposent est la qualité. Réciproquement, la dépendance croissante des Donneurs d’Ordre et les enjeux financiers liés à la centralisation et à l’externalisation renforcent leur demande de contrôle. La difficulté de ces contrôles nourrit la défiance. Les Donneurs d’Ordres sont ainsi tentés de jouer toujours plus le rapport de force et la réduction des dépenses pour garantir a priori leur intérêt.

  • D – Au-delà des effets pervers sur l’instauration d’une défiance entre Donneurs d’Ordres et Prestataires au niveau des contrats, ces mécanismes atteignent le travail. Les enjeux de qualité et de coopération entre les techniciens et les « habitants » ne sont pas mis en visibilité et a fortiori non valorisés. L’intelligence du travail, l’engagement des techniciens, la pertinence des arbitrages quotidiens sur ce qu’il convient de faire prioritairement…, ne sont pas reconnus par les Key Performance Indicators et autres outils promus par les contrats.

Au-delà des tensions nées de conditions de travail toujours difficiles (horaires, pénibilité physique, isolement…), ce déficit de reconnaissance engendre une difficulté majeure de management pour la productivité servicielle attendue. Le travail réel et son impact utile sont invisibles, voire niés. Les œuvrants sont réduits à des exécutants de prestations techniques conformes à des clauses nécessairement incomplètes et imprécises. Les FMers sont en grande difficulté pour obtenir un présentéisme et une qualité d’engagement subjectif de leurs salariés, œuvrants du FM, et ce, malgré les efforts de politiques sociales que certains tentent de mettre en œuvre. Contribuer à les rendre possible au niveau des contrats est un levier central de la performance organisationnelle et de la recherche de productivité sur la durée. La volonté de protéger les salariés de demandes « illégitimes » des bénéficiaires (non prescrites et non monétisées) amène parfois les encadrants de proximité des prestataires à inciter les techniciens à ne pas répondre à des attentes locales non prévues. Ces dernières les éloigneraient de la stricte exécution de la prestation contractuellement prévue (exécution conforme/ KPI/ pénalités).
L’enjeu de l’expérimentation proposée est ainsi de réunir les conditions de l’avantage concurrentiel du FM intégré comme métier à part entière ; sa capacité à obtenir un engagement fort, durable et pertinent de ses techniciens. Elle suggère une rupture progressive avec les logiques de spécialisation et de conformité à des tâches prescrites que les formats contractuels renforcent.

Une expérimentation située dans différents champs du droit et du management

La forme contractuelle des prescriptions n’est bien sûr pas seule en cause. Les clauses des contrats, même très détaillées et correctement adossées à l’inventaire des espaces et des équipements, ne règlent jamais l’activité réelle dans le quotidien. Sur le terrain, les descriptions formelles sont d’ailleurs très vite souvent oubliées ou ignorées des œuvrants. Il est fréquent au demeurant qu’ils ne soient pas clairement informés de leurs contenus à leur niveau.

Les contrats de FM, comme pour tous contrats (de mariage, de propriété, de travail…), valent par leurs qualités lexicales, la définition de leur périmètre d’application, la qualité de l’expression des finalités poursuivies, leur cohérence avec l’organisation et la pertinence des références juridiques retenues, y compris les instances, les juridictions compétentes pour le règlement des conflits. Ils n’en restent pas moins marqués du sceau indélébile de l’incomplétude (CF. Le prix Nobel de l’économie 2016).

Le FM, secteur et métier émergent, est au cœur de ces enjeux. L’externalisation transfère la responsabilité de l’employeur, s’agissant de la mise en œuvre de l’activité de service, sur le FMer, mais non de la satisfaction des besoins des bénéficiaires. Cette externalisation « marchandise » la force de travail dont la valeur (et le prix) doit alors être évaluée et monétisée dans un cadre commercial et non plus dans le seul cadre du droit du travail. La valeur y est coproduite et co-évaluée par construction, sans que pour autant soient écartés les risques d’une prédation de cette valeur par l’un des acteurs tout au long de la chaine enrichie souvent de plusieurs niveaux de sous-traitance.

Les instrumentations prescriptives qui caractérisent les contrats actuels en FM représentent pourtant une dépense et un travail non négligeables à l’occasion de leur élaboration puis de leurs mises à jour (avenants périodiques par exemple). Si la valeur ajoutée des contrats sur l’organisation et le management de la production est bien constituée d’un support utilisable pour le dialogue en périodes normales, les clauses contractuelles peuvent redevenir très contraignantes en cas de tensions, de conflits d’appréciation sur la qualité de la prestation. C’est tout particulièrement le cas dans les périodes de renégociation des contrats. Ce sont, par exemple, des moments dans lesquels l’idée que la compétition (la mise en concurrence évidemment promue dans un rapport de force favorable), est toujours vertueuse en soi trouve des arguments auprès des directions générales. Non démontrée en généralité et au contraire potentiellement contreproductive du fait des stratégies de réponses des fournisseurs, cette idée ne tient évidemment pas compte des conditions souvent patientes, difficiles et toujours « à maintenir », consubstantielle de la coopération. Elle méconnaît la complexité et l’importance de la qualité des interactions comme fondement des gains de productivité réelle.

Conçus pour instrumenter un accord préalable et une capacité de contrôles d’exécution, les contrats dans les conditions actuelles et leurs formalismes habituels, sont améliorables dans les deux champs du droit concernés : le droit commercial et le droit du travail.

Dans l’ordre du droit commercial, la qualité de relation et la confiance dont le contrat est une manifestation, deviennent un actif immatériel stratégique de l’écosystème productif serviciel à construire. Les donneurs d’ordres ne sont pas concurrents des prestataires. Trop souvent, les contrats classiques « grammatisent » au contraire une forme de compétition dans un jeu conçu à somme nulle. Ils participent d’une dégradation de la qualité de relation entre des acteurs dont l’intérêt commun est pourtant de coopérer. Le droit commercial applicable à l’échange de droits de propriété des biens tangibles trouve ses limites dans la construction d’un « système de production de services » dont la capacité de création de valeur dépend de la qualité relationnelle. Dans le cas d’achats de biens tangibles, des accords obtenus au détriment d’un profit raisonnable du fournisseur ne modifient en rien les caractéristiques, les qualités, les volumes, l’usage ultérieur des biens livrés. Ce qui est perdu par l’un (vente à un prix trop bas) est effectivement « gagné » par l’autre (jouissance low cost). Cette mécanique partiellement valide dans la logique industrielle constitue, du point de vue même des donneurs d’ordres, une impasse préjudiciable dans la logique servicielle dont relève le FM. Non seulement cette mécanique met en péril le fournisseur, mais elle ne permet pas d’obtenir le résultat correspondant au consentement à la dépense. CF le Livre Blanc du Sypemi.

Dans ce même droit, les contrats établissent des prix largement centrés sur les coûts. Faute de savoir reconnaître la valeur économique produite réellement, les réflexes de défiance suggèrent même fréquemment d’imposer des clauses dites de progrès portant sur une évolution à la baisse des prix dans la durée. Au contraire de l’objectif, les référentiels contractuels stérilisent les recherches de gains de productivité en omettant de réguler un partage équilibré de la valeur ajoutée supplémentaire. La productivité ne peut en effet être que coproduite dans l’échange. Son obtention requiert la coopération. Les gains ne peuvent pas être durablement captés par une seule partie prenante, serait-elle en position dominante. De manière symptomatique, les règles de compliance et de respect de la concurrence imposent même aux donneurs d’ordres d’éviter des échanges, nécessaires pourtant, avec tel ou tel « fournisseur », durant l’exécution et plus encore, dans les périodes ouvertes par les procédures de Requests For Informations et d’appels d’offres.

Enfin, dans le champ du droit du travail, les contrats habituels constituent un verrou préjudiciable voire contre-productif au niveau du travail lui-même, et cela, tout au long de la durée de la coopération ainsi encadrée. Prescriptives sur les dimensions techniques et mesurables des prestations, les clauses habituelles ignorent la dimension servicielle, l’engagement des œuvrants, leur capacité d’intelligence et d’innovation. Tout particulièrement dans les activités de FM, du fait même du rapport de subordination organisé par la relation salariale, la gestion et l’organisation du travail sont pris dans une contradiction. Le Donneur d’Ordres doit éviter d’interférer dans la relation de subordination entre l’œuvrant et son employeur, le FMers (ou son sous-traitant). Il risque le délit de marchandage et la requalification d’un lien salarial non souhaité. Pour autant, la pertinence (qualité, valeur ajoutée) de la prestation dépend de l’intensité et de la qualité relationnelle entre les habitants des espaces de travail et les œuvrants au quotidien.

Les enjeux de productivité de l’expérimentation sur les contrats

L’œuvrant du FM est ainsi pris dans des injonctions contradictoires :

  • Il est au service de bénéficiaires bien présents, mais subordonné juridiquement à un employeur souvent éloigné et qui peut changer à l’occasion d’un renouvèlement de contrat.
  • Le client, lui répète –t-on, est roi, mais il ne doit pas en accepter les ordres directs.
  • Il est soumis à une relation doublement domestique, sous la domination de son employeur (obligation de moyens) et de celle de ses clients (obligation de résultat). La qualité de son travail exige autonomie, initiative et compromis…. Autant de capacités que l’on ne peut exiger que d’un acteur égal en dignité et en droit (I Ferreras) et reconnu dans sa contribution.
  • L’œuvrant du service est appelé à concevoir en même temps qu’il exécute. Il est en même temps toujours soumis à l’injonction de conformité à des prescriptions nécessairement incomplètes, standardisées et définies ailleurs dans une logique continuée de division du travail.
  • Il est, pour les besoins même de la productivité, en situation de coproduction. La qualité de son travail dépend largement des « utilisateurs », mais ces derniers n’en sont pas responsables.
  • Son travail est évalué par son employeur relativement à une conformité jugée par le client. En pratique, son travail réel, les résultats en termes de pertinence située, la qualité de son engagement et de ses initiatives ne peuvent être que co-appréciés par lui-même et les bénéficiaires finaux de son activité productive, dans l’intention et les finalités, très au-delà du « prescrit ».

Les formes contractuelles comme les processus (appel d’offre) ne sont pas seuls en cause dans le fait que les prestataires et plus encore les œuvrants n’ont pas suffisamment la main sur l’organisation de leurs propres activités pour être en capacité de bien faire leur travail. Les œuvrants ne sont pas incités à coopérer, c’est-à-dire à juger par eux-mêmes de la pertinence de leur activité (effet utile pour les bénéficiaires). Ils ne sont pas « autorisés » à l’adapter pour en dégager une valeur servicielle accrue. Ils ne sont pas incités à innover, à prendre des initiatives, à développer leurs compétences et leur autonomie.

L’enjeu de prototypes et de notre recherche sur des innovations contractuelles réside dans un développement de la capacité à instaurer la coopération au niveau des œuvrants afin d’ouvrir des espaces de gains de productivité servicielle du travail.

Cela passera toujours par la qualité de l’animation managériale (et la qualité des relations aux clients), mais l’hypothèse retenue pour l’expérimentation à construire met en exergue l’importance de faire évoluer les conditions et le formalisme de la relation contractuelle avec les donneurs d’ordre (décideurs, acheteurs…). Si le contrat ne peut pas tout, il doit ne pas être un frein institutionnel et formel.
Sur le fond, l’usage des conditions contractuelles est fondateur en droit. Il s’agira de comprendre comment passer progressivement et de manière pragmatique :

  • de l’instrumentation d’un processus d’achat de prestations définies techniquement…,
  • à l’instrumentation d’un accord sur une acceptation de la dépense en contrepartie d’une contribution à une utilité sociale, construite collaborativement dans l’activité réelle.

Il s’agit de fonder des accords sur les fonctions attendues du service ;

  • par l’action sur l’état des bénéficiaires, ou indirecte, sur l’état de leur environnement…,
  • et non plus seulement sur l’exécution de tâches ; changer un filtre, régler une climatisation, passer l’aspirateur, nettoyer des vitres, accueillir et informer des visiteurs, entretenir les espaces verts….

Ce faisant, il s’agira de référer l’activité du FM à une sphère fonctionnelle, les aménités des espaces de travail, au-delà de la propreté, de la maintenance d’équipements électriques, de l’entretien de bâtiment, d’accueil ou de restauration.

La définition même du projet de Global FM emporte en effet l’hypothèse d’un dépassement progressif des métiers (pris à un à un, branche par branche) vers une prise en charge intégrée, multi techniques et multiservices. Au-delà du pilotage, ce métier vise la constitution et la prise en charge d’un écosystème (des partenariats, des coopérations, des territoires) ; celui des aménités des espaces.

Les obstacles à surmonter

Ils sont identifiés notamment dans :

  • Un contexte de défiance mutuelle alimenté par une posture de jeu à somme nulle et par des représentations ancrées dans les « set minding » des commerciaux comme des acheteurs.
  • Les tensions concurrentielles encore accrues depuis quelques années pèsent sur les prestataires et leurs investissements commerciaux. Elles limitent leur capacité à investir, à manager, à innover au profit de la recherche. Elles incitent à la prédation de marges des sous-traitants de second rang, pour restaurer leurs marges financières et opérationnelles immédiates.
  • Les processus et les mesures de performance des acheteurs des DO qui contribuent à leur attachement à des métriques quantitatives pourtant largement inopérantes au-delà de l’obtention de gains apparents immédiats.
  • Les limites des compétences et des « envies » des œuvrants eux-mêmes. Parier sur leurs capacités d’autonomie et d’engagement au-delà d’une conformité aux prescriptions (horaires et tâches) est évidemment un enjeu de management difficile pour les FMers.
  • Le contexte social de sous-emploi, de précarité et de faible rémunération est un facteur aggravant de la période. Des gains progressifs et modestes dans leur travail peuvent ne pas compenser les à-coups, les accidents, les difficultés croissantes que rencontrent les œuvrants dans leurs vies personnelles déjà souvent très fragiles. Ils sont ainsi tentés par l’absentéisme, voire des formes de renoncement par l’accès à la protection sociale et le travail non déclaré.
  • Le contexte économique général (faible croissance, tensions concurrentielles accrues, incertitudes renouvelées) contribue encore à durcir la position habituelle des donneurs d’ordre. Ils restent sensibles, quand ils ne sont pas incités et même contraints, à rechercher toutes les opportunités de réduction apparente de la « dépense », au détriment de la qualité. Ils sont alors adossés intellectuellement aux pensées industrialistes héritées vantant les vertus a priori de la compétition, de la mise en concurrence, du coût comme référent de la valeur et indicateur suffisant de performance…

Les étapes de l’expérimentation

Trois démarches doivent être conduites en parallèle :

  • L’approfondissement/partage du diagnostic de l’impact des choix actuels de modalités contractuelles sur la défiance et les procès d’intentions mutuels, par l’analyse des disfonctionnements qu’ils induisent au prétexte d’un contrôle plus ou moins inopérant.
  • L’analyse et la compréhension des conditions contractuelles d’un contexte favorable à la coopération de part et d’autre.
  • L’élaboration, le prototypage et le test de clause types et progressivement, de contrats types susceptibles de contribuer à la co production.

A) Constituer un groupe de travail de responsables de FMers et de donneurs d’ordre

Il serait composé de :

  • donneurs d’ordre représentés chacun par un couple, DET et acheteurs,
  • FMers représentés par des DG ou des directeurs commerciaux,

Il sera en charge de comprendre, illustrer, analyser les effets de défiance induits par les pratiques actuelles de ventes et d’achats de prestations. La préparation de la constitution et d’une alimentation de ce groupe de travail sera engagée à l’aide de rencontres exploratoires avec des acteurs/responsables/dirigeants des DO (prescripteurs et acheteurs) et des prestataires (DG et responsables commerciaux et opérationnels).

B) Mener des enquêtes

Sur le mandat du groupe ; procéder à un recueil des pratiques, des supports, des analyses afin d’identifier les limites et impasses, puis mener des séances de créativité pour inventer des clauses alternatives susceptibles de contrecarrer la défiance et au contraire, de favoriser la coproduction. Ce faisant ; partager une conception de la productivité et de ses conditions dans la coproduction de valeur servicielle.

C) Elaborer progressivement un contrat type

Avec l’aide de juristes spécialisés ; rédaction et test de clauses, des modalités de contrôle, des dispositifs de recours ou de règlement des conflits…, afin de constituer un prototype innovant, tout au long des étapes. Ce faisant participation à l’émergence d’un milieu innovateur élargi intégrant des acheteurs, des contrôleurs de gestion, des responsables environnement du travail, des financiers, des responsables commerciaux.

D) Accompagner des négociations et des signatures de contrats de coopération spécifiques et adaptés.

Conception et déploiement d’un protocole de suivi d’expérimentations (observations, accompagnements, évaluations, recommandations…). Ce faisant ; repérage/ analyse/ évaluation des effets sur le management et le travail, repérage des conditions d’accompagnement nécessaires pour assurer la transition.

E) Mise au point « marketing »

Communication, diffusion de l’outil et des démarches associées. Ce faisant, packaging et préparation de la diffusion de l’innovation que constitue le contrat de coopération dans sa forme et ses effets potentiels.