Le travail a muté et avec lui, les économies de nos sociétés (occidentales en particulier) sont déjà passées d’une économie tirée par l’industrie à des économies tirées par les services. L’informatisation, la robotisation, ce qu’on désigne désormais du mot de digitalisation après la mécanisation, atteint désormais des franges massives et croissantes d’activités cognitives et de plus en plus qualifiées. Nous sommes déjà dans des économies de production immatérielle, quel que soit le secteur considéré (primaire, secondaire ou tertiaire). C’est lisible en proportion dans la part des activités tertiaires. Elle atteint déjà de plus des trois quarts de la valeur ajoutée (mesurée via le PIB ou la part de la population active occupée). Le secteur dit industriel (ou secondaire, hors construction) ne rassemble plus en 2013 que 13,5% des actifs occupés (12,5% de la valeur ajoutée en 2015 selon l’INSEE). La production est devenue d’autant plus immatérielle que la part des activités intellectuelles (informationnelles, relationnelles) domine, y compris dans les processus de productions industrielles ou agricoles, que les produits soient tangibles ou intangibles.
A réalité nouvelle il faut des compréhensions renouvelées et peut-être même, des mots nouveaux ;
- l’infoduction[1], pour désigner les processus et caractéristiques spécifiques de l’organisation des travailleurs des services, comme de l’industrie ou de l’agriculture, mobilisant leurs savoirs pour des activités informationnelles, communicationnelles, cognitives, servicielles et relationnelles, au profit de la création d’une valeur économique et sociale réalisée dans l’usage.
- L’économie de la fonctionnalité et de la coopération[2], pour désigner la modalité par laquelle l’activité humaine de production économique (le travail) est transformée en valeur, par l’usage et non par l’appropriation de supports tangibles (des biens ou assimilés).
- L’économie de la contribution pour exprimer la dimension collaborative et la finalité d’utilité sociale de production de savoirs dans la perspective d’un modèle de l’intermittence (selon les termes proposés par Bernard Stiegler et Ars Industrialis) et de dépassement du modèle de l’emploi des entreprises fordiennes et communautaires (Pierre Veltz).
[1] CF. Baron X., La performance collective. Repenser l’organisation des travailleurs du savoir, Edition Liaisons, Coll. Entreprise et Carrière, avril 2012 (page 42 et 79). Pour la postérité, précisons que ce néologisme et né devant une bière, dans une brasserie à Paris début 2012, dans une conversation avec Grégory Vlamynck.
[2] Selon les termes proposés par L’institut Européen de l’économie de la Fonctionnalité et de la Coopération et par le Laboratoire d’Intervention et de Recherche ATEMIS.