18 septembre 2022

CAHIER 19 – Document 3

Quelle hybridation à venir pour le travail de bureau ?
Les enseignements d’une enquête internationale

Par Alain d’Iribarne

Directeur de recherche au CNRS et président du Conseil scientifique de l’Observatoire de la qualité de la vie au bureau

(ACTINEO). iribarne@msh-paris.fr

Diffusé le 20/09/2022, avec le soutien de l’ARSEG et du SYPEMI 

A partir d’extraits d’une récente publication d’Alain d’Iribarne, issue de l’exploitation de l’enquête internationale 2021[1], les Cahiers du CRDIA proposent un éclairage sur l’avenir possible de l’hybridation du travail en trois points :  bilan de l’impact du confinement sur le télétravail à domicile, approche des pratiques possibles de télétravail à domicile dans le monde post-COVID, perspectives spécifiques pour le Grand Paris.

 

Quel impact du confinement sur le télétravail à domicile ?

Le nombre d’actifs ayant travaillé à domicile pendant au moins une journée complète par semaine est passé, pour la moyenne des 5 aires métropolitaines concernées, de 21 % avant la pandémie, à 83 % pendant la pandémie. L’importance des écarts d’évolutions entre les aires est plus liée aux différences avec l’avant COVID qu’aux variétés de situations durant les confinements.

 

Déplacement de l’importance du télétravail à domicile avant et pendant la pandémie

« ont travaillé à domicile au moins une journée complète par semaine »

Aires métropolitaines

Avant le COVID

Pendant le COVID

Différences

Moyenne (*)

21 %

83 %

+ 62 pts

Grand Paris

27 %

78 %

+ 51 pts

Randstad

26 %

83 %

+ 58 pts

GAFA Land

17 %

83 %

+ 66 pts

Singapour

16 %

83 %

+ 67 pts

Grand Londres

17 %

85 %

+ 69 pts

(*) Moyenne de l’ensemble des réponses sur les 5 aires

Source : Enquête internationale Actineo 2021

 

Le Grand Paris se distingue, avec la différence la plus faible entre avant et pendant la pandémie (+ 51 pts). Par contraste, le Grand Londres présente l’écart le plus élevé entre une faible pratique de télétravail avant la pandémie (17 %) et une forte pratique pendant la pandémie (69 %). Avec une moindre amplitude, la situation dans le GAFA Land est proche : l’importance des écarts constatés est due à une forte progression du travail à domicile pendant la pandémie (83 %). Le Randstad est proche du Grand Paris par sa pratique du télétravail à domicile relativement importante avant le COVID (26 %) mais, comme les autres aires, dépasse le Grand Paris par une pratique intensive du télétravail à domicile (83%) pendant la pandémie.

 

Au-delà de cette approche globale, il convient de s’interroger sur les différents rythmes de télétravail à domicile avant et pendant la pandémie. L’enquête a pris en compte le spectre des pratiques, du pas du tout de télétravail à domicile à un télétravail la totalité de la semaine. Ceux qui ont déclaré ne pas avoir télétravaillé à domicile pendant le confinement car ce n’était pas possible compte tenu de leur travail ont été incorporés dans la comparaison.

 

Le Grand Paris

 

Grand Paris : le télétravail à domicile avant et pendant la pandémie

Nombre de jours

par semaine

Avant le COVID

Pendant le COVID

Différence

Grand Paris

Moyenne

Grand Paris

Moyenne

Grand Paris

Moyenne

Jamais/Impossible

73 %

79 %

16 %/5 %

12 %/5 %

– 57 pts

– 67 pts

Moins de 1 jour

4 %

3 %

7 %

07 %

+ 3 pts

+ 4 pts

1 jour

11 %

6 %

13 %

11 %

+ 2 pts

+ 5 pts

2/3 jours

9 %

8 %

23 %

24 %

+ 14 pts

+ 16 pts

4 jours

3 %

3 %

11 %

11 %

+ 8 pts

+ 8 pts

Toute la semaine

1 %

1 %

25 %

29 %

+ 24 pts

+ 28 pts

Source : Enquête internationale Actineo 2021

 

On constate pour le Grand Paris les évolutions les plus faibles de toutes les aires métropolitaines :

  • Impossibilité de travailler au domicile la plus élevée (21 % vs 17 % en moyenne) ;
  • Pratique modérée du télétravail à domicile (1 à 3 jours) en faible progression (de 15 % à 20%) ;
  • Pratique intensive de télétravail (4 à 5 jours) qui progresse moins que la moyenne (4 % vs 40 %).

Les quatre autres aires métropolitaines

À l’opposé du Grand Paris, le Grand Londres a connu les évolutions les plus importantes, avec une impossibilité de télétravail à domicile qui est passée de 83 % à 15 %, contre 73 %  à 21 % pour le Grand Paris.

 

Grand Londres : le télétravail à domicile avant et pendant la pandémie

Nombre de jours

par semaine

Avant le COVID

Pendant le COVID

Différence

Grand Londres

Moyenne

Grand Londres

Moyenne

Grand Londres

Moyenne

Jamais/Impossible

83 %

79 %

9 %/6 %

12 %/5 %

– 74 pts

– 67 pts

Moins de 1 jour

3 %

3 %

6 %

07 %

+ 3 pts

+ 4 pts

1 jour

5 %

6 %

9 %

11 %

+ 4 pts

+ 5 pts

2/3 jours

6 %

8 %

17 %

24 %

+ 11 pts

+ 16 pts

4 jours

2 %

3 %

11 %

11 %

+ 11 pts

+ 8 pts

Toute la semaine

1 %

1 %

42 %

29 %

+ 41 pts

+ 28 pts

Source : Enquête internationale Actineo 2021

 

Cette différence entre le Grand Londres et le Grand Paris s’observe sur la pratique du jamais travailler à domicile (incluant les impossibilités), plus faible à Londres (15 %) qu’à Paris (21 %) ainsi que sur la faible progression du télétravail modéré (8 % à Londres contre 15 % à Paris), mais surtout sur la très forte progression du télétravail intensif dans le Grand Londres qui passe de 3 % avant la pandémie à 53 % pendant.

 

Le Randstad est en situation médiane, avec une évolution de la répartition des jours de travail à domicile durant la pandémie proche de la moyenne, tout en maintenant un plus grand étalement initial entre les intensités de pratiques.

 

Randstad : le travail à domicile avant et pendant la pandémie

Nombre de jours

par semaine

Avant le COVID

Pendant le COVID

Différence

Randstad

Moyenne

Randstad

Moyenne

Randstad

Moyenne

Jamais/Impossible

72 %

79 %

12 %/5 %

12 %/05 %

– 60 pts

– 67 pts

Moins de 1 jour

4 %

3 %

7 %

07 %

+ 3 pts

+ 4 pts

1 jour

7 %

6 %

14 %

11 %

+ 7pts

+ 5 pts

2/3 jours

9 %

8 %

22 %

24 %

+ 13 pts

+ 16 pts

4 jours

4 %

3 %

12 %

11 %

+ 8 pts

+ 8 pts

Toute la semaine

2 %

1 %

28 %

29 %

+ 26 pts

+ 28 pts

Source : Enquête internationale Actineo 2021

 

En ce qui concerne le fait de ne jamais télétravailler, les évolutions de pratiques pendant la pandémie ont été plus fortes dans le Randstad (17 % contre 72 %) que dans la moyenne des 5 métropoles (17 % contre 79 % pour la moyenne). Avec un quasi doublement, l’évolution de la pratique limitée du télétravail à domicile est sensiblement la même que celle de la moyenne. La pratique du moins de 1 jour par semaine (de 4 % à 7 %) et la pratique du 1 jour par semaine qui double (7 % à 14 %) confirment la réactivité du Randstad.

La pratique moyenne d’un télétravail à domicile de 2/3 jours/semaine s’accroît de façon plus prononcée, passant de 9 % à 22 %, mais moins que la moyenne qui est passée de 8 % 24 %.

C’est le télétravail intensif à domicile qui s’est le plus accru dans le Randstad, passant de 6 % à 40 % (contre 4 % à 36 % pour le Grand Paris et 4 % à 40 % pour la moyenne), avec un mouvement plus important en faveur du télétravail toute la semaine qui, passant de 2 % à 28 %, a connu une progression un peu supérieure à celle du Grand Paris (1 % à 25 %) et à peine inférieure à la moyenne (1 % à 29 %). Le niveau relativement élevé de la pratique du télétravail à domicile toute la semaine en a fait la nouvelle norme pour le Randstad.

Ces évolutions mettent en évidence la singularité du Randstad et la diversité de la fréquence des pratiques de télétravail. En dépit du fait que pendant les confinements, le télétravail intensif s’est accru, on note dans le Randstad, comme pour le Grand Paris et par opposition au Grand Londres, un mouvement de continuité plus que de rupture, entre avant et pendant la pandémie

 

Le GAFA Land se présente dans une situation intermédiaire, entre le Randstad et le Grand Londres. Le télétravail à domicile impossible est passé de 83 % avant la pandémie à 18 % après (contre 79 % à 17 % pour la moyenne). Le GAFA Land perd une partie de son avance dans la pratique du télétravail à domicile pour se rapprocher de la moyenne, ce qui peut s’expliquer par le fait que c’est dans cette métropole qu’on avait le plus d’actifs au bureau pour qui le télétravail à domicile était impossible avant la pandémie.

 

GAFA Land : le travail à domicile avant et pendant la pandémie

Nombre de jours 

par semaine

Avant le COVID

Pendant le COVID

Différence

GAFA Land

Moyenne

GAFA Land

Moyenne

GAFA Land

Moyenne

Jamais/Impossible

83 % 

79 %

12 %/6 %

12 %/05 %

– 81 pts

– 67 pts

Moins de 1 jour

2 %

3 %

10 %

07 %

+ 8 pts

+ 4 pts

1 jour

4 %

6 %

7 %

11 %

+ 3pts

+ 5 pts

2/3 jours

8 %

8 %

22 %

24 %

+ 14 pts

+ 16 pts

4 jours

2 %

3 %

11 %

11 %

+ 9 pts

+ 8 pts

Toute la semaine

2 %

1 %

32 %

29 %

+ 30 pts

+ 28 pts

Source : Enquête internationale Actineo 2021

 

On assiste à une évolution nette vers un télétravail à domicile toute la semaine qui, de 2 % avant la pandémie passe à 32 % pendant (contre 1 % à 29 % pour la moyenne). Ainsi, dans le GAFA Land, comme dans les autres aires métropolitaines, la pratique de 2/3 j/semaine de télétravail à domicile, en dépit sa forte progression entre avant et après la pandémie (8 % à 22 %) perd son statut de norme de référence. On notera la progression de la pratique de 1 jour par semaine de télétravail à domicile (2 % à 10 %), qui témoigne d’un éclatement de la norme dans un mouvement proche de celui constaté dans le Randstad.

 

Les mouvements observés à Singapour se rapprochent de ceux observés dans le Grand Paris. Ce rapprochement est moins dû à la proportion de ceux qui n’ont jamais télétravaillé à leur domicile (19,5 % Singapour contre 21 % pour Paris en incluant les impossibilités) qu’à la résistance forte à la pratique d’un télétravail intensif (29 % contre 5 % avant la pandémie), et ce malgré la progression du télétravail à domicile toute la semaine, qui a été toutefois limitée à 18 % pour Singapour contre 25 % pour le Grand Paris et 29 % pour la moyenne. La grande originalité de Singapour dans l’évolution entre avant et pendant pandémie, est le renforcement de la norme de référence : la pratique de 2/3 jours de télétravail à domicile (de 8 % à 36 %).

 

Singapour : le travail à domicile avant et pendant le COVID

Nombre de jours

par semaine

Avant le COVID

Pendant le COVID

Différence

Singapour

Moyenne

Singapour

Moyenne

Singapour

Moyenne

Jamais/Impossible

84 %

79 %

12,5 %

12 %/05 %

– 71,5 pts

– 67 pts

Moins de 1 jour

2 %

3 %

7 %

07 %

+ 5 pts

+ 4 pts

1 jour

2 %

6 %

11,5 %

11 %

+ 9,5 pts

+ 5 pts

2/3 jours

8 %

8 %

36 %

24 %

+ 28 pts

+ 16 pts

4 jours

4 %

3 %

11 %

11 %

+ 7 pts

+ 8 pts

Toute la semaine

1 %

1 %

18 %

29 %

+ 17 pts

+ 28 pts

Source : Enquête internationale Actineo 2021

 

Synthèse des comparaisons des 5 métropoles

On constate qu’à l’exception du Grand Londres qui, avec son confinement strict et long a réagi dans une logique de rupture, les quatre autres métropoles ont réagi en continuité de leurs caractéristiques propres.

Pendant la pandémie, dans toutes les métropoles sauf à Singapour, c’est la fréquence du télétravail toute la semaine qui a remplacé la norme préexistante à la pandémie. A Singapour, le télétravail 2 à 3 jours par semaine s’est renforcé à 36%, le télétravail toute la semaine ne représentant que 18%.

Si on se réfère à la moyenne des 5 aires et aux écarts maximums à cette moyenne, on peut constater : des écarts pratiquement nuls entre les 5 métropoles pour la pratique de télétravail pendant 4 jours par semaine, et ceux pour qui il est impossible de télétravailler, des écarts faibles pour la catégorie de ceux qui ne pratiquent pas le télétravail à domicile ou de ceux qui le pratiquent moins d’un jour par semaine. À l’inverse, les écarts sont importants pour la pratique du télétravail toute la semaine.

C’est donc bien autour de la pratique intensive du télétravail que les enjeux du télétravail à domicile se sont le plus cristallisés, et que les spécificités des 5 métropoles ont le plus joué.

 

Quelles seront les pratiques de télétravail à domicile dans le monde post-COVID ?

 

Après avoir comparé les pratiques du télétravail avant et pendant la pandémie, il reste à évaluer la place que pourrait tenir le télétravail à domicile avec un retour à ce qu’on peut appeler « la normale », vocable aux contours encore incertains. Les actifs des 5 métropoles ont donc été questionnés sur la pratique du télétravail à domicile idéale à leurs yeux.

 

L’envie de télétravailler à domicile pendant au moins une journée complète après la crise du COVID

Dans la perspective de ce que serait un retour à la normale, la question stratégique pour les employeurs est de savoir quel sera le degré d’attractivité du télétravail à domicile pour les salariés. Dans la pratique, deux questions se posent :

  • L’appétence pour le télétravail à domicile sera-t-elle la même, selon que le collaborateur aura déjà pratiqué ou non le télétravail à domicile avant la pandémie ?
  • Cette appétence sera-t-elle la même selon les métiers et les catégories socio-professionnelles ?

L’envie de télétravailler à domicile en fonction de sa pratique avant la pandémie

Si l’on se réfère à la moyenne des cinq aires, le tableau montre que, parmi ceux qui ont télétravaillé pendant la pandémie, mais qui n’avaient jamais télétravaillé avant, 60 % souhaitent continuer le télétravail alors qu’ils étaient 62 % à avoir télétravaillé pendant la pandémie, soit une très légère baisse. En revanche, les 20 % qui ont télétravaillé à domicile avant la pandémie, sont 20 % à souhaiter poursuivre après la pandémie. Ainsi, plus la proportion des actifs qui avaient déjà télétravaillé à domicile avant la pandémie sera élevée, plus l’appétence pour le télétravail à domicile sera forte : effet d’apprentissage par la pratique.  Ce constat, que l’on retrouve dans les 5 aires métropolitaines, est particulièrement robuste : plus on aura d’actifs qui auront télétravaillé à domicile avant et pendant le confinement, plus les attentes ultérieures seront élevées en matière de télétravail à domicile.

 

Influence des modes de travail avant la pandémie sur l’envie de télétravailler à domicile après la pandémie

Mode de travail

Moyenne

Paris

Londres

GAFA Land

Randstad

Singapour

Télétravail pendant la pandémie mais :

– pas avant

– avec la volonté de travailler à domicile après

62 %

60 %

52 %

49 %

69 %

65 %

66 %

62 %

58 %

55 %

68 %

65 %

Télétravail pendant la pandémie et :

– avant

– avec la volonté de travailler à domicile

20 %

20 %

27 %

26,5 %

16 %

16 %

17 %

17 %

25 %

25 %

16 %

15 %

Source : Enquête internationale Actineo 2021

 

L’envie des actifs de télétravailler à domicile en fonction de leurs attributs socio-professionnels

Quand on prend la totalité des actifs ayant télétravaillé à domicile pendant la pandémie, qu’on leur demande s’ils aimeraient travailler à l’avenir, au moins 1 journée par semaine, et qu’on regarde les écarts les plus significatifs à la moyenne, on constate des différences significatives, en fonction de leurs attributs socio-professionnels :

  • Différence entre les jeunes, qui à 88 % le souhaitent, et les plus âgés qui ne le souhaitent qu’à 75 % ;
  • Différences entre les professions intellectuelles/scientifiques et artistiques ainsi que les managers qui le souhaitent à 91 %, les employés administratifs (81 %) et les « autres professions » (60 % seulement) ;
  • Différence entre les actifs de l’industrie (89 %) et des transports (78 %).

 

Envie de télétravailler à domicile au moins une journée complète en fonction des caractéristiques socio-professionnelles (totalité des actifs ayant télétravaillé durant la pandémie, moyenne : 85%)

Attributs des actifs

Au-dessus de la moyenne de l’échantillon

En dessous de la moyenne de l’échantillon

Âge

19-35 ans 88 %

> 35 ans 83 %

> 50 ans 75 %

Catégorie professionnelle

Managers 91 %

Professions intellectuelles

scientifiques et artistiques 91 %

Professions intermédiaires 82 %

Employés administratifs 81 %

Autres professions 60 %

Secteur d’activité

Industrie 89 %

Administrations publiques 81 %

Transports 78 %

Source : Enquête internationale Actineo 2021 

 

L’envie de télétravailler à domicile pour ceux qui ne l’ont jamais fait de façon significative avant le confinement, en fonction de leurs caractéristiques socio-démographiques

Si on compare la sous-population des actifs qui n’ont jamais télétravaillé à domicile pendant une durée significative (au moins quelques heures) avant la pandémie (qui, avec 83 %, constituent la grande majorité des répondants) avec ceux qui avaient déjà télétravaillé avant la pandémie, les écarts d’opinion entre les différentes catégories socio-professionnelles sont importants :

  • Les plus âgés expriment moins d’appétence pour le travail à domicile (64 % contre 75 % pour ceux qui avaient déjà télétravaillé) ;
  • Les employés administratifs et les actifs des administrations publiques expriment moins d’appétence pour travail à domicile (76 % contre 81 %) ;
  • Les femmes manifestent moins d’appétence que les hommes pour le travail à domicile (81 % contre 85 %).

Envie de télétravailler à domicile pour ceux qui n’y ont jamais travaillé de façon significative avant la pandémie en fonction de leurs caractéristiques socio-démographiques (moyenne : 83%)

Attributs des actifs

Plus que la moyenne de l’échantillon

Moins que la moyenne de l’échantillon

Âge

19-35 ans 88 %

> 35 ans 80 %

> 45 ans 73 %

> 50 ans 64%

Genre

Hommes 85 %

Femmes 81 %

Catégorie professionnelle

Managers 91 %

Professions intellectuelles

scientifiques et artistiques 89 %

Employés administratifs 76 %

Secteur d’activité

Industrie 90 %

Administrations publiques 76 %

Source : Enquête internationale Actineo 2021 

 

Les plus âgés ont souvent leurs habitudes au bureau, les managers ont plus de liberté pour choisir le télétravail à la maison que les employés administratifs, tandis que les femmes expriment plus que les hommes leur souhait de séparer leur vie familiale de leur vie professionnelle. Ces résultats confirment l’importance pour les dirigeants de porter une attention particulière aux caractéristiques socio-démographiques de leurs collaborateurs avant d’engager la mise en place d’accords collectifs de télétravail.

 

Quel nombre idéal de jours de télétravail à domicile pour les actifs travaillant dans des bureaux ?

Si l’on compare le nombre idéal de jours de télétravail à domicile exprimé par les actifs dans une perspective post-confinement, avec les pratiques de télétravail à domicile avant et pendant la pandémie (en incluant le fait de ne jamais travailler à domicile), on constate un important « effet confinement ».

Il existe bien un apprentissage par la pratique. Ce constat conforte ce qui est largement pressenti : il n’y aura pas de retour en arrière, les employeurs ne pourront ignorer les attentes des collaborateurs en matière de télétravail.

La pratique idéale de télétravail à domicile pour la moyenne des 5 métropoles

La pratique idéale de télétravail exprimée par les actifs des 5 métropoles donne une bonne vision de ce que pourrait être l’hybridation du travail à moyen/long terme. Les attentes d’une pratique de télétravail à domicile sont élevées. A la lecture des mouvements observés, on pourrait ainsi :

  • Assister à un premier déplacement en faveur d’une pratique modérée de télétravail à domicile (22 % le souhaitent), dont 16 % pour 1 jour/semaine;
  • Voir s’instituer une norme pivot de référence de télétravail à domicile de 2/3 j/semaine (choisi par 37 % des répondants) ;
  • Constater une demande non négligeable de télétravail intensif à domicile : la pratique de 4 jours et plus par semaine est souhaitée à un niveau élevé (26 %), mais le choix se porte plus pour toute la semaine (14%) que pour 4 jours (12%). La pratique intensive du télétravail perd ainsi le statut de norme de référence qu’elle avait acquise durant le confinement, ce qui confirme qu’elle était une norme contrainte et non une norme choisie.

Télétravail à domicile avant, pendant et idéalement après le confinement (moyenne)

Nombre de jours

par semaine

Avant le confinement

Pendant le confinement

Après le confinement (idéalement souhaité)

Jamais

80 %

17 %a

15 % b

Moins de 1jour

03 %

07 %

06 %

1 jour

06 %

11 %

16 %

2 /3 jours

08 %

24 %

37 %

4 jours

03 %

11 %

12 %

Toute la semaine

01 %

29 %

14 %

Source : Enquête internationale Actineo 2021 ; a jamais et impossible b non souhaité ou impossible

 

Les 2 à 3 jours de télétravail par semaine deviendront-ils la norme ? 

À la lecture de l’analyse comparée entre les cinq métropoles, c’est bien la fréquence de 2 à 3 jours de télétravail à domicile par semaine qui devient la nouvelle « norme paradigmatique », dans la mesure où il n’y a pratiquement pas d’écarts significatifs à la moyenne. Avec 3 jours par semaine de télétravail, les domiciles seraient susceptibles de devenir les lieux de travail dominants, tandis que les espaces de travail dans les immeubles de bureau perdraient leur statut de référence. Selon l’ampleur de ces mouvements, nous assisterions alors pour le travail dans les bureaux, à un changement de paradigme, tant en matière d’organisation du travail individuel et collectif qu’en matière de management dans les entreprises et les organisations, alors qu’une pratique de télétravail à domicile de 2 jours par semaine n’aurait comme conséquence que d’engendrer quelques ajustements.

 

Fréquence idéale de jours de travail à domicile par semaine après la pandémie

Nombre de jours par

semaine souhaités

Moyenne

Paris

Londres

GAFA Land

Randstad

Singapour

Impossible pour le type

de travail que je fais

7%

7 %

7 %

6 %

7 %

7 %

Jamais

8 %

10 %

8 %

9 %

9 %

6 %

Moins d’un jour

6 %

6 %

6 %

6 %

8 %

5 %

1 jour

16 %

18 %

16 %

11 %

18 %

17 %

2 à 3 jours

37 %

40 %

35 %

32 %

40 %

36 %

4 jours

12 %

8 %

12 %

16 %

11 %

12 %

Toute la semaine

14 %

11%

15 %

19 %

9 %

17%

Source : Enquête internationale Actineo 2021

 

Les actifs du Grand Paris sont ceux qui expriment le moins d’appétence pour une pratique intensive du télétravail à domicile (19 %, soit significativement inférieur à la moyenne des 5 métropoles (16%).

Les Franciliens, comme les actifs du Randstad privilégient la fréquence d’un télétravail de 2/3 jours/semaine, renforçant ainsi le statut de norme potentielle de ces 2/3 jours par semaine.

Les actifs du Randstad comme les actifs du Grand Paris ne sont que 20 % à souhaiter un télétravail à domicile intensif et ils sont encore moins nombreux (9 %) à souhaiter le total télétravail

Dans le GAFA Land, c’est l’inverse. Les actifs du GAFA Land sont en effet 35 % à souhaiter un télétravail à domicile intensif, dont 16 % qui souhaitent 4 jours par semaine et 19 % le full remote. Ils ne sont que 32 % à souhaiter télétravailler 2 à 3 jours par semaine, ce qui les place largement en dessous de la moyenne des 5 métropoles (37 %).

Enfin, 35 % des actifs du Grand Londres et 36 % des actifs de Singapour souhaitent télétravailler à domicile 2/3 j/semaine et sont donc proches de la moyenne (37 %). Ces écarts confirment la résistance des actifs du Grand Paris et du Randstad vis-à-vis d’une fréquence intensive de télétravail à domicile, qui les couperait radicalement de leur immeuble de bureau de référence et atténuent pour ces deux métropoles l’hypothèse d’un potentiel « effet big-bang » lié à « l’expérience confinement ».

 

L’écart observé entre le Grand Paris et le GAFA Land doit être nuancé en ce qui concerne le télétravail intensif.

En effet, les Parisiens étaient 11 % à pratiquer télétravail à domicile 4 jours par semaine pendant la pandémie, mais ne sont que 8 % à souhaiter poursuivre cette pratique. A contrario, les actifs du GAFA Land qui étaient 11 % à pratiquer le télétravail à domicile 4 jours par semaine, sont 16 % à souhaiter poursuivre après la pandémie. En revanche, pour le télétravail à domicile toute la semaine, les Parisiens sont 11 % à le souhaiter, alors qu’ils étaient 4 % à le pratiquer avant la pandémie, soit une progression relative nettement plus forte que celle des actifs du GAFA Land qui étaient 11 % à déjà le pratiquer et qui sont 19 % à souhaiter poursuivre.

 

Quel sera donc à moyen/long terme le niveau d’hybridation du travail dans les bureaux ? 

On voit que la prise en compte des dynamiques de changement est tout aussi importante que les situations structurelles à un moment donné, car c’est cette dynamique qui va remettre en cause les habitudes de travail et plus largement les modes de vie. C’est particulièrement vrai pour le télétravail qui s’exerce toute la semaine à domicile, car ce modèle est non seulement en rupture complète avec le modèle de travail dominant et les modes de socialisation qui lui sont liés, mais il vient s’y substituer et prendre une place centrale en termes de socialisation domestique avec les modes de vie qui leurs sont associés. En conséquence, il rend attrayante et possible l’idée de déménager pour vivre hors des métropoles en n’importe quel lieu du territoire national ou même ailleurs[2]. De-même, il ouvre la porte à une remise en cause du contrat salarial ordinaire et peut constituer une accélération de la mise en œuvre du travail non salarial.

 

 Quelles perspectives à venir pour le Grand Paris ?

 

Après le choc exogène et l’effet déstabilisateur de la pandémie, les cinq aires métropolitaines ont fonctionné sur le modèle d’un système ouvert organique stable. Cela signifie qu’après le choc, toutes tendent à revenir vers la situation initiale, mais avec un effet de rémanence. Dans ce grand mouvement, chaque métropole a eu des réactions spécifiques en fonction de ses composantes structurelles. C’est pourquoi, il est intéressant d’étudier la spécificité du Grand Paris et des changements auxquels cette métropole sera confrontée. Pour le Grand Paris, nous avons complété les résultats de l’enquête internationale Actineo 2021 par les résultats d’une enquête de comparaison internationale menée en 2020 par JLL[3].

 

Le déplacement vers un télétravail intensif restera limité

Le principal enseignement qu’on peut tirer de ces analyses comparées est la confirmation que le Grand Paris, plus que les autres aires métropolitaines, entrera dans une ère d’hybridation du travail de bureau avec modération et en prenant son temps.

Elle le fera suivant notre tradition nationale car les Français n’aiment pas le changement [4]. Et on comprend pourquoi les actifs du Grand Paris ne se font pas trop de soucis sur les perspectives à venir.

 

En effet, si on se réfère aux écarts à la moyenne, les déplacements vers un télétravail intensif resteront limités dans le Grand Paris, en raison d’un niveau d’attente des actifs significativement plus faible (19 % contre 26 % en moyenne), cela étant vrai aussi bien pour les 4 jours/semaine que pour toute la semaine. En complément, sans que les écarts soient significatifs, le souhait de ne pas télétravailler à l’avenir est plutôt plus important que la moyenne (10 % contre 8 %). Enfin, le télétravail à domicile 2/3 j/semaine, qui constitue la norme pour les 5 métropoles, est renforcé pour le Grand Paris (40 % contre 37 % pour la moyenne).

 

Trajectoire de l’aire métropolitaine du Grand Paris

Nombre de jours

par semaine

Avant les confinements

Pendant les confinements

Après les confinements (idéalement souhaité)

Moyenne

Grand Paris

Moyenne

Grand Paris

Moyenne

Grand Paris

Jamais/Impossible

80 %

73 %

17 %

21 %

8 % /7 %

10 %/7 %

Moins de 1 jour

3 %

4 %

7 %

7 %

6 %

6 %

1 jour

6 %

11 %

11 %

13 %

16 %

18 %

2 /3 jours

8 %

9 %

24 %

23 %

37 %

40 %

4 jours

3 %

3 %

11 %

11 %

12 %

8 %

Toute la semaine

1 %

1 %

29 %

25 %

14 %

11%

Source : Enquête internationale Actineo 2021

 

Les actifs du Grand Paris qui ne veulent pas télétravailler à l’avenir, ou qui affirment que c’est impossible au regard de la nature de leur travail, sont moins nombreux que la moyenne des 5 métropoles (17 % contre 21 %). Peut-on dans ces conditions émettre l’hypothèse que les actifs du Grand Paris seraient plus favorables que leurs employeurs, à une pratique régulière du télétravail à domicile ?

 

Les salariés français souhaitent télétravailler 1,6 jour contre 2,4 pour le reste du monde 

Selon l’étude JLL, réalisée en octobre 2020 auprès de 2 033 salariés travaillant dans des entreprises de plus de 100 salariés de 10 pays, « le travail devient hybride : les Français entrent dans la danse mais adoptent une attitude plus conservatrice que le moyenne avec 1,6 jour par semaine contre 2,4 jours en moyenne pour le reste du monde ».

 

L’enquête JLL présente une fréquence modale nettement plus élevée pour la France par rapport à la moyenne des 10 pays observés (44 % contre 29 %). La pratique limitée de télétravail est également plus élevée pour la France (46 % contre 37 %) et la pratique intensive de télétravail nettement plus faible (10 % contre 34 %).

 

Enquête JLL 2020 : Fréquences hebdomadaires de jours de télétravail souhaitées

Aires géographiques

Jamais ou

occasionnellement

1 jour

2 jours

3 jours

4 jours

5 jours

France

35 %

11 %

26 %

18 %

4 %

6 %

Monde

29 %

8 %

15 %

14 %

8 %

26 %

L’enquête internationale Actineo 2021 met en évidence une proximité nettement plus grande entre le Grand Paris et la moyenne des cinq métropoles, que l’enquête de JLL entre la France et la moyenne des 10 pays qu’elle a observés. Plus intéressant encore, les écarts les plus forts entre les deux enquêtes se concentrent sur la pratique intensive, singulièrement le télétravail toute la semaine souhaitée par les actifs : 11 % pour Paris contre 14 % en moyenne pour l’enquête Actineo, et 6 % contre 26 % pour l’enquête JLL.

 

D’une façon plus déterminante, ce qui caractérise la France est une forme d’inertie et une capacité à absorber (à lisser) les grands événements historiques : mai 68, les chocs pétroliers, la crise des subprimes, et demain la pandémie du COVID.

Habitués en matière de réformes, aux écarts entre la rhétorique et la pratique aussi bien globale que managériale, les actifs français se voient en réalité sans trop d’inquiétude en position de « suiveurs », loin des titres de certains journaux, porteurs d’une vision alarmiste : L’essor du bureau flexible inquiète les salariés ; ou Gare aux injonctions du type 2 ou 3 jours de travail généralisé par semaine ! ; ou encore Possible flambée des risques psychosociaux avec 45 % des salariés se déclarant en détresse psychologique au travail en avril 2021 selon un sondage OpinionWay avec une rentrée où « continuer à vivre et travailler dans une société devenue incertaine et anxiogène va entamer la santé mentale des salariés », sans oublier les pertes de productivité[5] .

 

NDLR : on retrouvera l’intégralité de la publication dont sont extraits les éléments du présent article, ainsi que l’ensemble des contributions d’Alain d’Iribarne, sur le site :  https://www.actineo.fr

 

 

[1] Enquête internationale Actineo 2021 réalisée en ligne en janvier/février 2021 menée par le cabinet Sociovision

« Comment travaillerons-nous demain dans les grandes métropoles ?» : Grand Paris, Grand Londres, Randstad (Amsterdam/Rotterdam/La Haye), San Francisco Bay et Seattle (GAFA Land), Singapour. 2 628 actifs interrogés, travaillant au moins occasionnellement dans un bureau au moment de l’enquête, à partir d’un échantillon représentatif pour chaque aire.

[2] La troisième enquête « Mon bureau post-confinement » réalisée par la Chaire Workplace Management de l’ESSEC Business School donne des résultats particulièrement intéressants dans la mesure où elle suggère que le développement du télétravail ne devrait pas fondamentalement rebattre les cartes pour la métropole du Grand Paris, de sorte que The Conversation, peut titrer : Grand Paris, le télétravail ne devrait conduire qu’à un exode urbain très limité, 27/07/2021, 6p.

[3] JLL : Jones Lang Lassalle, société de conseil immobilier qui intervient dans le monde entier sur tous les types d’actifs.

[4] Exemple assez emblématique, l’opinion publiée dans La Tribune, intitulée : La France post-COVID : pourquoi le télétravail ne marchera pas dans laquelle, son auteur, Samir Ayoub, professeur à l’ESSCA School of Management, écrit : « Nous souhaitons démontrer que la généralisation durable d’un tel dispositif ne pourra avoir lieu dans notre pays. En effet, […] le télétravail hors temps de crise se heurtera à des difficultés, trouvant leurs sources dans le droit, l’organisation sociale et l’héritage catholique de la France ».

[5] Respectivement dans La Croix du 09/08/2021, p.11 et Le Figaro du 24/08/2021, p. 17 et 21.