21 février 2023

CAHIER 23 – Document 2

Intérêts et limites du télétravail à domicile du point de vue des salariés, comparaison internationale

Alain d’Iribarne[1] / Cahiers du CRDIA

[1] Directeur de recherche au CNRS et président du Conseil scientifique de l’Observatoire de la qualité de la vie au bureau (ACTINEO) iribarne@msh-paris.fr

Diffusé le 28/02/2023, avec le soutien de l’IDET et du SYPEMI 

Les facteurs favorables au télétravail à domicile

 

Dans une logique de motricité et de frein, il est important pour les employeurs de bien cerner ces facteurs avant de mettre en place des plans d’action. Ainsi, par exemple, une entreprise pourrait donner la priorité à l’aménagement du poste de travail au domicile de ses collaborateurs qui seront en télétravail régulier, voire intensif. De même, une entreprise, constatant que le problème principal est la compétence d’usage par ses collaborateurs des technologies numériques nécessaires à un télétravail intensif, choisira de mettre en place en priorité un plan adapté de formation continue. 

 

Le temps de trajet domicile/travail, très éprouvant pour ceux qui le pratiquent au quotidien, spécialement dans les grandes métropoles, est de loin l’un des facteurs les plus importants en faveur du télétravail à domicile. L’aménagement et l’équipement pour travailler à domicile peuvent à l’inverse être des facteurs défavorables quand ils ne sont pas adaptés à une pratique régulière du télétravail, et nécessiteront une politique active de l’employeur pour adapter le domicile à la pratique du télétravail. 

 

Les temps de trajet 

L’une des plus fortes motivations des actifs métropolitains pour le travail à domicile est la durée et la pénibilité du transport. À la question : Je passe trop de temps dans les transports pour me rendre à mon travail, 61 % des actifs des cinq métropoles ont répondu qu’ils étaient d’accord et même 24 % tout à fait d’accord, pourcentages significativement élevés.

 

Par rapport à ces moyennes, le Grand Paris et le Grand Londres ne présentent pas d’écarts significatifs. Il en va différemment du Randstad où les actifs vivent moins mal que les autres le problème du transport. Ainsi, 46 % des Hollandais du Randstad (contre 61 % pour la moyenne) sont d’accord et 16 % (contre 24 %) sont tout à fait d’accord. Ces réponses reflètent probablement la fluidité de la circulation urbaine dans les agglomérations hollandaises, mais aussi le fait que beaucoup de Hollandais travaillent à temps partiel et ont, plus que les autres, plusieurs activités, ce qui leur permet par exemple de mieux étaler les horaires de transport.

 

Les actifs de Singapour sont 70 % à être d’accord (contre 46 % ou 61 % pour la moyenne). Quant aux actifs du GAFA Land, ils sont plus nombreux que les autres à être tout à fait d’accord (31 % contre 16 % pour la moyenne), ce qui traduit l’importance du problème des temps de transport sur la côte ouest américaine, avec des autoroutes largement saturées. C’est donc tout à fait logiquement, dans le GAFA Land, que ce facteur sera le plus incitatif pour choisir la pratique de télétravail intensif à domicile, aussi bien pour des raisons de temps et de fatigue que pour des raisons environnementales.

 

La qualité des équipements

Aujourd’hui plus que jamais, la qualité des équipements digitaux pour pouvoir travailler n’importe où joue un rôle essentiel, aussi bien en matière d’efficacité que de qualité de vie. C’est pourquoi nous avons souhaité connaître le niveau de satisfaction des actifs qui avaient déclaré travailler à la maison quelques heures ou toute une journée avant la pandémie, à l’aide d’une échelle de satisfaction allant de 1 à 10. Les niveaux de satisfaction sur les deux dimensions — efficacité et qualité de vie — sont quasi identiques à 7,6/10 pour l’efficacité et 7,5/10 pour la qualité de vie, et donc très élevés, ce qui est surprenant, compte tenu des récriminations régulières entendues sur ce sujet.

Pour l’efficacité, et sans grande surprise, ce sont les actifs des administrations publiques qui sont les moins satisfaits, tandis que ce sont les hommes et les managers qui sont les plus satisfaits. En ce qui concerne la qualité de vie, le niveau de satisfaction est le même pour les actifs de l’administration publique et les managers, tandis que le contraste est plus marqué en matière de genre, les femmes étant moins satisfaites que les hommes. En revanche, pas de différence selon l’âge. Ces résultats confirment la grande diversité des situations sectorielles et personnelles.   

 

La possibilité de faire participer l’employeur à son équipement

Pour vous permettre de travailler confortablement depuis votre domicile, si vous étiez appelé à travailler à domicile plus souvent qu’avant la mise en place des mesures sanitaires liées au COVID, vous aimeriez que votre employeur vous aide… Telle était la question posée, avec plusieurs propositions d’aide possibles.

Pour tous les types d’aides confondus, 74 % des actifs des 5 métropoles ont répondu favorablement, ce qui est considérable. Toutefois, si on compare les trois types d’aides, les répondants ont exprimé une préférence pour le libre choix des équipements avec remboursement sur facture (34 %). Ils sont ensuite 20 % à souhaiter que leur employeur s’occupe de tout et 19 % à être d’accord pour choisir dans un catalogue proposé par leur employeur. On voit donc clairement la volonté des salariés de choisir sous contrainte budgétaire et en toute liberté.

 

 

Participation de l’employeur à l’aménagement du poste de travail à domicile (tous répondants)

 

Moyenne

Le plus

Le moins

J’aimerais que mon employeur participe

74 %

GAFA Land : 79 %

Paris : 67 %

Par une somme dédiée avec libre choix

et remboursement du sur facture

34 %

Randstad : 39 %

GAFA Land : 30 %

Paris : 30,5 %

En prenant en charge

l’aménagement du poste de travail au domicile

20 %

GAFA Land : 30 %

Singapour : 15 %

Paris : 17 %

En finançant l’aménagement du poste de travail

choisi sur catalogue par le salarié

19 %

Singapour : 22 %

Randstad : 16 %

Source : Enquête internationale ACTINEO 2021

 

En ce qui concerne les cinq aires, seuls les actifs du Grand Londres sont dans la moyenne, tandis que les actifs parisiens sont les plus réticents – aussi bien pour tout déléguer à leur employeur que pour disposer d’un budget avec libre choix -, tandis que les actifs du GAFA Land sont en forte attente, avec une préférence pour un transfert de responsabilité à l’employeur. Ce sont les actifs du Randstad qui préfèrent le plus être libres de choisir (en présentant la facture à leur employeur). Les actifs singapouriens, tout en n’ayant pas trop envie de déléguer l’aménagement de leur poste de travail à domicile à leur employeur, accepteraient toutefois de choisir leur mobilier dans un catalogue.  Ainsi, c’est la capacité incitative du levier financier qui est importante, plus que le levier de la prise en charge totale de l’aménagement par l’employeur.

 

Des freins au télétravail à domicile

Nous avons essayé ici de cerner les obstacles au télétravail à domicile exprimés par les actifs, y compris la question du temps passé derrière un écran ou de la durée de connexion.

Avant la pandémie, 85 % des actifs étaient intéressés par le travail à domicile, tandis que 8 % le refusaient et 7 % considéraient que ce n’était pas possible compte tenu de la nature de leur travail. Mais surtout, nous avons constaté le niveau élevé du souhait des actifs de télétravailler à domicile. D’une certaine façon, ces constats – et singulièrement pour la France – peuvent être considérés comme une surprise, au regard des idées reçues relatives à la résistance au changement et aux contraintes liées à la nature du travail exercé.

 

Les obstacles perçus par les actifs, en moyenne

Nous avons retenu une palette de facteurs pouvant être un obstacle au télétravail : la politique de l’entreprise, la nature du travail, le choix personnel, les équipements et l’espace de travail chez soi, le contrôle social et le manque d’expérience dans la pratique du travail à domicile. Puis nous avons étudié la hiérarchie entre ces facteurs, à la fois en moyenne et en fonction des attributs des actifs et des aires métropolitaines.

 

L’obstacle le plus important au télétravail à domicile, selon les répondants, est que leur employeur n’y est pas favorable (29 %) devant le deuxième obstacle, travailler chez soi nécessite beaucoup d’adaptation (26 %)[1]. La résistance au changement viendrait davantage des employeurs que des efforts que les actifs auraient à accomplir pour s’adapter. Cela s’inscrit en faux par rapport à certains discours managériaux qui évoquent la situation inverse.

 

Non moins important, l’obstacle qui arrive en troisième position, ne pas avoir envie de faire entrer son travail dans sa sphère privée : cette volonté de séparation entre vie privée et vie professionnelle revient régulièrement dans les enquêtes ACTINEO. Vient ensuite au quatrième rang, la question de l’équipement et de l’espace chez soi. Cet obstacle peut faire l’objet d’une lecture contradictoire : d’un côté, ces obstacles physiques ne sont pas majeurs au regard des trois précédents, ou au contraire le fait que 19 % des répondants les aient évoqués révèle leur importance.

 

Restent enfin les deux derniers obstacles que sont le contrôle social et l’absence de pratique du travail à domicile, c’est-à-dire le manque d’expérience. Il est intéressant de constater que le fameux « qu’en dira-t-on » (c’est mal vu de rester chez soi pour travailler), arrive pratiquement au même niveau que l’obstacle lié au manque d’équipement et de place (18 % contre 19 %), tandis que le pourcentage d’actifs estimant que l’obstacle au télétravail est dû à l’absence de pratique du télétravail est bien faible, au regard du nombre de répondants ayant déclaré n’avoir jamais travaillé régulièrement chez eux (17 % contre 85 %). Cette apparente contradiction s’explique par le fait que la pratique occasionnelle de travail à domicile et, surtout, le fait de se connecter chez soi, sont devenus des pratiques courantes.

 

 

 

Les obstacles au télétravail à domicile

Raison des obstacles

Moyenne

Plus que la moyenne

Moins que la moyenne

Entreprise : mon employeur n’est pas favorable

29 %

Employés Administratifs 35 %

Paris 36 %

Singapour 34 %

Professions intellectuelles/scientifiques/artistiques 22 %

Travail : cela nécessite beaucoup d’adaptation

26 %

Singapour : 30 %

Professions intellectuelles/scientifiques/artistiques 21 %

Personnel : je n’ai pas envie de faire entrer mon travail dans ma sphère privée

22 %

19-29 ans 27 %

Managers 25 %

Commerce 30 %

Singapour 28 %

Employés administratifs 18 %

Équipement : je n’ai pas l’équipement ou l’espace nécessaire chez moi

19 %

19-29 ans 22 %

Transports 28 %

Singapour 22 %

> 35 ans 16 %

Social : c’est mal vu de rester chez soi pour travailler

18 %

19-35 ans 21 %

Hommes 21 %

Managers 23 %

GAFA Land 24 %

> 35 ans 16 %

> 45 ans 13 %

> 50 ans 7 %

Femmes 14 %

Employés administratifs 12 %

Manque d’expérience : je n’ai pas encore eu l’occasion

17 %

19-35 ans 19 %

GAFA Land 24 %

> 35 ans 16 %

Source : Enquête internationale ACTINEO 2021

 

 

Les écarts liés aux caractéristiques des répondants et des 5 métropoles ont été analysés ici, item par item, en mettant en exergue la spécificité du Grand Paris 

Mon employeur n’est pas favorable : il n’est pas surprenant, compte tenu de ce qu’on a constaté précédemment, que les actifs parisiens soient plus nombreux à évoquer cet obstacle (36 % contre 29 % en moyenne), proches des Singapouriens (34 %). Aussi, il n’est pas surprenant que le même sentiment soit exprimé plus par les employés administratifs et moins par les actifs des professions intellectuelles, scientifiques et culturelles, compte tenu de la liberté dont ceux-ci disposent dans leurs pratiques de travail.

 

Cela nécessite de s’adapter : les Singapouriens vivent une double contrainte, révélatrice d’un grand conservatisme (mon employeur n’est pas favorable et cela nécessite de s’adapter). À l’inverse, les professions intellectuelles se sentent moins contraintes (21 % contre 30 %).

 

Je n’ai pas envie de faire entrer mon travail dans ma sphère privée : ce sont les actifs du secteur du commerce qui expriment la volonté la plus forte de résister (30 %). Cela est probablement dû au fait que la pénétration de la vie professionnelle dans la vie privée n’est pas seulement le fait des collègues, mais aussi des clients (B2B et B2C). Est également intéressant le fait que les Singapouriens sont particulièrement réticents à cette immixtion (27 %), ce qui est probablement lié à leur mode de vie.

Ce sont les plus jeunes qui sont les plus réticents à faire entrer leur travail dans leur vie privée (27 %) rejoints par les managers (27 %), par opposition aux employés administratifs (18 %). On peut faire l’hypothèse que les managers, ayant des réseaux sociaux propres plus riches, sont nettement moins dépendants de leurs collègues en matière de socialisation que les employés administratifs. Au domicile comme au bureau (où ce sont les managers qui tiennent le plus à leur bureau individuel fermé), ils entendent préserver leur territoire et leur intimité.

 

Je n’ai pas l’équipement ou l’espace nécessaire pour travailler chez moi : c’est dans le secteur des transports que l’obstacle est ressenti le plus fortement, sans qu’à ce stade on sache trop pourquoi, tandis que pour les Singapouriens, l’importance de cet obstacle est probablement plus liée aux conditions de logement qu’au manque d’équipement.  Il en va de même pour les plus jeunes (les moins de 29 ans) qui ont probablement plus de risque d’avoir de mauvaises conditions de logement que les plus âgés (les plus de 35 ans) : 22 % contre 16 %.

 

C’est mal vu de rester chez soi pour travailler : le regard des autres (le « qu’en dira-t-on » et le contrôle social avec les normes de groupe) est un obstacle d’autant moins important qu’on est une femme ou un homme (14 % contre 21 %), qu’on est employé administratif ou manager (12 % contre 23 %) et au fur et à mesure que l’âge augmente. Plus surprenant : c’est dans le GAFA Land que cet obstacle est le plus fortement ressenti (24 %) alors qu’on aurait pu penser que dans sur la côte ouest, travailler chez soi était considéré comme une chose normale.

 

Le manque d’expérience de télétravail : il peut sembler surprenant que le manque d’expérience de télétravail à domicile constitue le plus grand obstacle pour les jeunes de moins de 35 ans (19 %) et plus encore pour les actifs du GAFA Land (24 %). 

 

Au terme de ces comparaisons, deux surprises : les obstacles au télétravail à domicile les plus fortement exprimés apparaissent chez les Singapouriens – des obstacles dus à l’entreprise et à la nature du travail -, mais aussi aux raisons personnelles et aux équipements et à un moindre degré, dans l’aire des GAFA Land avec le fait qu’il est mal vu de rester chez soi pour travailler et de manquer d’expérience de télétravail à la maison.

 

L’étendue des temps de travail et le temps passé derrière les écrans pour son travail

On retrouve ici des sujets sensibles qui constituent un élément important des négociations autour du télétravail, surtout en France, avec la question épineuse des « 35 heures » et de nos pratiques managériales encore fortement ancrées sur le contrôle par les moyens plus que sur les résultats.

 

Travailler partout et tout le temps ?

On a demandé aux actifs s’il leur arrivait de travailler en dehors de leurs heures de travail ou quand ils étaient en congés. Les réponses à cette question sont édifiantes et témoignent de l’importance du phénomène partout dans le monde, puisqu’en moyenne 60 % ont répondu qu’ils étaient d’accord et 20 % tout à fait d’accord.

Ainsi, quelles seront les limites au télétravail, compte tenu du fait qu’il peut être pratiqué partout et tout le temps ? Au regard de la moyenne, on constate une opposition entre, d’un côté, les actifs du GAFA Land qui déclarent nettement plus pratiquer ce rythme de travail (70 % et 29 %) et de l’autre, les actifs du Grand Paris (56 % et 16 %) ainsi que le Randstad (55 % et 16 %). On peut faire l’hypothèse que ces écarts sont dus aux différences de régulation par les pratiques collectives, l’Europe parvenant mieux à réguler le temps de travail. Proches du GAFA Land, on trouve Singapour, avec 69 % et Londres avec 68 %, soit une vraie tendance pour leurs actifs à travailler en dehors des heures de travail ou en congés, bien plus que pour la moyenne des 5 métropoles.

 

« Je passe trop de temps connecté sur les outils informatiques (PC, smartphone) pour mon travail »

La question formulée ici a porté non pas sur le temps passé, mais sur le sentiment de passer trop de temps, avec l’idée qu’il pourrait y avoir un phénomène de saturation, compte tenu de l’amplitude des temps passés. Ainsi, 71 % des actifs sont d’accord avec cette formulation et 27 % tout à fait d’accord, ce qui confirme qu’en plus du temps de travail, c’est la pratique du travail sur écran qui sera le problème central du travail hybride à venir. Compte tenu de l’usage intensif de la visioconférence qui s’est développé avec le télétravail à domicile, on peut sans trop de difficultés, faire l’hypothèse que, du moins en France, on n’échappera pas à une demande de régulation collective, comme cela a été fait en 2016 avec la Loi El Khomri, dite Loi Travail, donnant un « droit à la déconnexion » pour l’usage des mails et des téléphones.

 

 

Passe trop de temps sur des équipements numériques pour son travail

Niveau d’accord

Le plus

Le moins

Au moins d’accord : ensemble 71%

– aires métropolitaines

– âges

– professions

 

Singapour 77 %

19-36 ans : 77 %

Manager : 76 %

 

GAFA Land : 64 %

Plus de 36 ans : 25 %

Professions Intermédiaires : 67 %

Tout à fait d’accord : ensemble 27%

– aires métropolitaines

– secteurs

– âges

– professions

 

 

Industries : 33 %

19-35 ans : 31 %

Manager : 77 %

 

Paris 22 %

 

Plus de 36 ans : 25 % ; plus de 50 ans : 16 %

Autres Professions : 21% ; Professions Intermédiaires : 20 %

Source : Enquête internationale ACTINEO 2021   

 

Au regard de la moyenne (71 %), la comparaison entre les aires métropolitaines fait apparaître une opposition entre les Singapouriens qui sont 77 % à estimer passer trop de temps connecté sur les outils informatiques et les actifs du GAFA Land qui sont moins nombreux à le penser avec 64 %. Travailler devant un écran dans le GAFA Land est une chose normale, quelque soit le temps passé. Cependant, c’est dans le Grand Paris que l’on est le moins d’accord avec cet item. Ce constat peut signifier soit un plus faible temps passé, soit une plus forte acceptation, soit que la Loi El Khomri a eu un impact sur les usages des Français en la matière.

Les plus jeunes estiment passer trop de temps sur les équipements numériques (31 %), bien plus que les plus âgés (16 %), l’explication pouvant venir de l’importance du temps de connexion. La même hypothèse peut être faite en considérant le grand écart entre les managers (77 %), les professions intermédiaires (20 %) et les autres professions (21 %). Une autre hypothèse est que les managers se voient pris, souvent à leur corps défendant, dans une sorte de maelstrom communicationnel sur PC, smartphones et autres outils, de sorte qu’ils seraient sur-connectés et cela d’autant plus que leur terrain de jeu est l’international. Ce sentiment est également fortement ressenti dans le secteur de l’industrie. Très sollicités par les activités industrielles qui sont leur cœur d’activité, les actifs concernés assimilent le temps passé à l’exécution des tâches bureaucratiques sur écran, comme un temps trop chronophage.  

 

Des raisons invoquées pour vouloir travailler dans un tiers-lieu en complément du travail à domicile 

Pour compléter notre exploration de ce que pourrait être l’hybridation à venir du travail, nous avons demandé aux actifs si dans l’hypothèse où ils travailleraient à distance deux jours par semaine ou plus, ils souhaitaient également travailler dans un tiers-lieu de proximité et pas uniquement à leur domicile. Nous avons retenu l’hypothèse d’un travail chez soi deux jours et plus par semaine, qui sera probablement la norme de référence. Et pour avoir une idée de l’ampleur de cette perspective, nous avons retenu l’indicateur de souhait dans son acceptation large — le total accord.

 

En fonction des aires métropolitaines

Les répondants des cinq métropoles expriment un intérêt relativement élevé pour le travail dans un tiers-lieu/espace de coworking (55 % en moyenne des 5 métropoles).

 

 

Souhaite également travailler dans un « tiers-lieu »

pour les actifs qui travailleraient à distance 2/3 j/semaine (moyenne : 55%)

Attribut

Le plus

Le moins

Âge

19-35 ans 60 %

> 35 ans 49 %

> 45 ans 44 %

> 50 ans 33%

Genre

Hommes 60 %

Femmes 50 %

Catégorie professionnelle

Manager 65 %

Autres professions 47 %

Employés administratifs 43 %

Secteur d’activité

BTP 65 %

Industrie 61 %

Administrations publiques 47 %

Aire métropolitaine

Singapour 64 %

GAFA Land 63 %

Grand Paris 46 %

Source : Enquête internationale ACTINEO 2021

 

 

L’analyse par aire métropolitaine montre que c’est dans le Grand Paris que le souhait de travailler également dans un tiers-lieu est le plus faible (46 %), par contraste avec Singapour (64 %) et le GAFA Land (63 %). Ce constat est intéressant à rapprocher du constat précédent concernant le télétravail à domicile et la volonté de maintenir une distance entre sa vie au travail et sa vie privée, car travailler dans un tiers-lieu, c’est travailler au bureau, tout en permettant de sanctuariser son domicile.

Ainsi les Parisiens se voient plus que les autres dans une localisation binaire, immeuble de bureau et chez soi, avec une dominante pour l’immeuble de bureau, ce qui confirme que c’est dans le Grand Paris que le déplacement des espaces de travail au détriment de l’immeuble de bureau de référence sera le plus limité.

 

En fonction du profil des personnes

Ce sont les très jeunes, les managers, les actifs du BTP et à un moindre degré, ceux de l’industrie, qui sont les plus favorables au travail dans des tiers-lieux, par opposition aux femmes, aux actifs plus âgés, aux actifs exerçant des activités d’employé administratif et aux actifs des administrations publiques qui, eux, sont les moins favorables.

Ces résultats sont cohérents avec ce qu’on a pu constater en termes de liberté perçue et/ou de contraintes professionnelles : il en va de même par exemple des jeunes plutôt mal logés, des managers qui ont envie d’avoir un bureau à eux, même dans un tiers-lieu, et des actifs comme ceux du BTP qui ont des contraintes de déplacements nettement supérieures à celles des actifs travaillant dans le secteur public.

 

 

Rappel des éléments constitutifs de l’enquête

Enquête internationale Actineo 2021 menée par le cabinet Sociovision 

« Comment travaillerons-nous demain dans les grandes métropoles ? »

 

  • Cinq métropoles : Grand Paris, Grand Londres, Amsterdam/Rotterdam/La Haye (Randstad), San Francisco Bay et Seattle (GAFA Land), Singapour, enquête en ligne réalisée en janvier/février 2021.
  • 2 628 actifs interrogés : actifs travaillant au moins occasionnellement dans un bureau au moment de l’enquête, à partir d’un échantillon représentatif pour chaque aire, de 600 actifs au travail et résidant dans l’aire, soit : Grand Paris 94 %, Grand Londres 93 %, Randstad 88 %, Région de San Francisco/Seattle 89 %, Singapour 93 %.
  • Représentativité de l’échantillon : âge, sexe, vivant seul ou pas, statut professionnel, temps de travail, contrat de travail, secteur d’activité et taille d’entreprise.
  • Référence pour les calculs : la moyenne constituée par la somme des actifs travaillant dans les bureaux dans les cinq métropoles soit 2 628 actifs.
  • Écarts à la référence retenus : significativement supérieur/inférieur à moyenne (fiabilité statistique d’au moins 95 %).

[1] Ce résultat est d’autant plus intéressant que par ailleurs, 67 % des répondants sont d’accord pour dire que là où ils travaillent, travailler chez soi est vu comme une bonne chose et encouragé (24 % tout à fait d’accord). Il existe un fort décalage entre le Grand Paris (59 % d’accord et 17 % tout à fait d’accord) et le GAFA Land (32 % tout à fait d’accord).