L’émergence du FM comme secteur est un symptôme et une illustration de la mutation de nos économies vers des logiques servicielles, soumises au développement durable et la digitalisation. Avec potentiellement plus de 1 millions de travailleurs et 200 milliards de CA, il en est un sous-ensemble particulièrement significatif. Le FM pourtant « contrarié » dans son développement est de ce point de vue emblématique des secteurs les plus directement confrontés à la difficulté s’agissant de prendre la mesure concrète de la mutation du travail qui s’exerce du fait de la dématérialisation croissante de la production.
Les activités auxquelles ces services en B to B renvoient sont encore vues comme subalternes, peu qualifiées et très hétérogènes (techniques ou supports) alors qu’elles sont le véhicule de progrès et d’utilités sociales dont la pertinence, les potentiels de croissance et d’emplois (non aisément automatisables et non délocalisables) ne sont pas douteux. Le travail que ce secteur mobilise est encore souvent pénible et dévalorisé. Il est pourtant de plus en plus intellectuel et professionnalisé par son exigence de maîtrise à tous les niveaux de ses dimensions de relation et de pertinence. Il sera touché progressivement par la digitalisation et l’automatisation. Il n’en reste pas moins un immense employeurs pour des activités non délocalisables.
Bien que relevant de qualifications jugées relativement faibles (l’agent de propreté, le vigile, le déménageur…), le travail de service du FM est en effet toujours exigeant en engagement subjectif pour traiter des écarts (entre l’offre de service générique et les besoins spécifiques, entre le service effectif rendu et le service attendu).
La valeur ajoutée du FM dépasse largement celle qui est suggéré par la définition « intrinsèque » des services ; une mise à disposition temporaire d’équipements ou de compétences. Elle est modification de l’état des bénéficiaires en direct et par des externalités positives médiates. L’action productive du FM est dans sa capacité à modifier favorablement l’état des bénéficiaires et des environnements des bénéficiaires. Ces activités et ces métiers ne sont pas réductibles à des tâches catégorisées par techniques (l’énergie, la propreté, la construction, la restauration, la logistique…). Sa valeur ajoutée n’est pas « mécaniquement » proportionnelle aux volumes (fréquences et coûts des prestations). Les conditions de leur performance ne sont pas suffisamment réunies par :
- la division du travail (au sens de l’exécution et de la conception, de la séparation du travailleur de son propre travail).
- la standardisation des produits/services en biens et en quasi-biens (des prestations),
- des gouvernances tutélaires notamment structurées par le rapport de subordination,
- la coordination entre techniques catégorisant des particularités distinctes formellement pour des fonctions/usages/contributions singulières et territorialisées,
- l’exigence de conformité à des processus, au détriment de la pertinence (au sens du bénéficiaire comme de celui qui est proposé par l’engagement de l’œuvrant).