Une multiplication des lieux de travail dans l’immeuble de bureaux
Alain d’Iribarne[1]
L’expérience « confinement » agit comme un révélateur, qui donne à voir nombre de situations masquées ou faiblement visibles en temps ordinaire, et pourtant bien présentes. Ces « révélations » déclenchent des prises de conscience plus ou moins collectives et plus ou moins tardives, avec leurs lots de regrets, de refus et d’espérances plus ou moins utopiques. Avec la fin du confinement et un retour progressif à la vie normale, quel sera l’avenir : un monde amendé ou un nouveau monde ?
Le premier mouvement structurel observé au cours de ces dernières années concerne ce que les actifs appellent leur immeuble de bureau ; le lieu où est implanté leur poste principal de travail, par opposition à tous les autres lieux où ils peuvent ou doivent travailler en fonction de leurs besoins ou de leur liberté, lieux prescrits ou librement choisis. Des évolutions apparaissent au rythme des rénovations et des nouvelles constructions. Le modèle de référence, avec ses bureaux fermés dotés d’un nombre plus ou moins élevé de poste de travail en fonction du niveau hiérarchique de leurs occupants, associés à des salles de réunion avec réservations centralisées, évolue vers des bureaux ouverts combinés à d’autres lieux où il devient possible de travailler de façon légitime, seul ou avec d’autres.
Les espaces collectifs ouverts et en flex-office restent minoritaires (tableau 1) :
A l’heure où on ne parle que d’open space et de flex office, dont on connait la dynamique portée par les rénovations d’immeubles de bureaux anciens et la construction d’immeubles nouveaux, il importe de bien garder en mémoire qu’avec un score global de 66%, les bureaux fermés restent largement majoritaires au regard des espaces collectifs ouverts. La moitié de ces bureaux fermés (33% du total) sont individuels. Dans les espaces collectifs ouverts, les petits open-spaces de moins de dix personnes, l’emportent très largement avec 22%, sur les plus grands (12%).
TABLEAU 1 : Quelle morphologie dominante pour les bureaux ? | Fréquences | |
Bureaux fermés | individuels | 33% |
collectifs | 33% | |
Collectifs ouverts | de moins de 10 personnes | 22% |
de 10 personnes et plus | 12% | |
Source : enquête ACTINEO 2019 |
Au regard des nouvelles règles de distanciation, on peut penser que les bureaux individuels ne sont pas directement concernés. La focalisation sur les open-spaces laisse ainsi de côté la moitié des postes de travail en bureaux fermés, 33% du total. Pourtant, quand on prend en considération les principaux paramètres qui vont guider les conditions de réaménagement des bureaux, il est probable que les bureaux fermés poseront le plus de difficultés en raison des contraintes que leur morphologie impose. A l’inverse, les plateaux des grands open-spaces offriront plus de liberté d’optimisation[2]
En effet, une des questions qui se pose aux employeurs est de savoir combien de places de travail devront être « sacrifiées » pour adapter leurs espaces aux nouvelles exigences révélées par l’expérience du confinement.
Cinq dimensions sont à prendre en compte pour définir le niveau de conversion à opérer en fonction des usages à venir de ces bureaux sous la contrainte de distanciation kinésique imposée[3] :
- La taille et la géométrie des pièces ;
- La densité, c’est-à-dire le nombre de places de travail pouvant être implantées dans les espaces réaménagés, de grands bureaux individuels fermés peuvent par exemple être reconvertis en bureaux collectifs fermés ;
- L’ordonnancement des bureaux, face à face, côte à côte ou une combinaison des deux, et plus rarement en triangle ou « marguerite » ;
- Le degré de mobilité des postes de travail, dépendant du mode de fixation des tables (qui peuvent être sur roulettes), et des contraintes de connexion aux réseaux électriques et informatiques ;
- La taille des plateaux de travail en fonction de la définition retenue pour déterminer le périmètre de sécurité : 4m² par poste ou 1m autour de chacun ? A surfaces données, ces tailles déterminent l’importance des espaces de mouvement autour et entre les postes de travail.
En complément ou en substitution du port du masque, s’ajouteront très probablement à ces contraintes de distanciation des protections verticales sous la forme d’installations de panneaux frontaux, voire latéraux. Compte tenu des envies dominantes chez les salariés de disposer d’un espace de vie individuel, les panneaux opaques seront sans doute plébiscités, tandis que les contraintes de distanciation sonneront le glas des échanges à deux face à un écran commun et en corollaire celui des caissons/tabourets. Enfin, les postes de travail attribués représentent 86% du total, et le flex-office reste très minoritaire. La non-affectation des postes de travail, qui se combine avec des espaces ouverts plus qu’avec des bureaux collectifs fermés, touche d’abord les employés et les « nomades » (tableau 2).
TABLEAU 2 : | |||
Employés | à 62% | contre 46% | pour l’ensemble des travailleurs de bureau |
Travaillant dans un espace ouvert collectif | à 60% | contre 34% | |
Du secteur des services | à 30% | contre 22% | |
Déclarant travailler hors des locaux de leur entreprise | à 14% | contre 6% | |
Source : enquête ACTINEO 2019 |
Une forte probabilité d’accroissement relatif des postes non dédiés :
Le développement du télétravail, plus ou moins combiné à une poussée du nomadisme et du travail à distance, devrait mécaniquement impliquer une forte augmentation de la proportion de postes de travail non dédiés. Une telle perspective est d’autant plus probable que l’organisation du travail évoluerait vers un régime dominant de mixité associant travail à distance et travail dans son immeuble de bureau, avec des élargissements d’horaires en présentiel permettant le lissage des entrées et sorties en réponse à des contraintes de transport. Poussée jusqu’à un certain point, l’ouverture des horaires des bureaux se rapprocherait demain de celle des commerces, dans une sorte de mise en cohérence de la vie métropolitaine. Cela pourrait même aller jusqu’à partager un même poste ou lieu de travail à deux dans une journée, de préférence au sein d’un même service ou d’une même équipe pour limiter les effets pervers d’une trop grande instabilité des repères spatio-temporels individuels et collectifs. Loin d’être la mort de l’open-space, un tel régime de travail serait au contraire son triomphe dans sa version flex.
Par ailleurs, prendre en compte cette nouvelle dimension de partage des postes de travail introduit une nouvelle contrainte incontournable, l’hygiène d’usage des équipements, question bien connue de la médecine du travail mais traitée jusqu’ici de façon marginale. Une première réponse à ce nouveau besoin généralisé d’hygiène pourra être facilement apportée par des mobiliers incorporant des matériaux bactéricides, comme il en existe depuis longtemps dans les milieux hospitaliers. D’autres réponses sont possibles mais posent divers problèmes. Un premier problème est lié à la fréquence des désinfections, ce qui renvoie au taux de rotation des usages. Il est probable que sous sa forme la plus « liquide », cette rotation sera limitée à un minimum d’une demi-journée, en association avec une généralisation de la possibilité de réserver sa place ou son lieu de travail en fonction des besoins[4]. On aura donc une viscosité maintenue dans les flux de personnes, d’autant plus voulue qu’il y aura intérêt à tout point de vue à limiter les déplacements. Un second problème, plus douloureux qui concerne tout le monde, sera la généralisation probable du bureau sans papier (clean desk) avec une dépersonnalisation de tous les postes de travail, attribués ou non : la multiplication des objets personnels complique et donc renchérit le travail des personnels de ménage.
Une surreprésentation des cadres dans les bureaux attribués et fermés :
Réussir les évolutions à venir impose de tenir compte des attentes des diverses catégories d’actifs travaillant dans les bureaux. Il importe alors de savoir quelles concentrations particulières de types d’actifs occupent les différents types de bureaux. Les bureaux individuels fermés sont associés aux cadres et dirigeants (43%), aux plus de 55 ans (47%), et au contexte des TPE[5] (50%). En situation inversée, les grands bureaux collectifs ouverts rassemblent notamment des ouvriers (23%), des jeunes représentés par les Milléniales (19%), et sont associés aux entreprises les plus grandes (20%)[6]. Les bureaux collectifs fermés présentent une concentration des plus jeunes (19 à 25 ans pour 46%), tandis que les petits espaces collectifs ouverts présentent une concentration d’employés (27%) et de jeunes (26 à 35 ans pour 28%).
De-même, s’agissant de disposer d’un poste de travail attribué, les surreprésentations les plus fortes apparaissent pour les cadres supérieurs et dirigeants (94%) et pour ceux qui travaillent dans le secteur de l’industrie (95%). L’intéressant, au terme de ce rapide examen, est la forte relation entre la hiérarchie sociale attachée aux catégories professionnelles et les représentations de la noblesse des bureaux : aux cadres supérieurs et dirigeants des postes de travail dédiés dans des bureaux individuels fermés et aux ouvriers des postes dans des grands bureaux collectifs ouverts, avec en intermédiaire des employés dans des petits collectifs fermés. Ce constat permet de prévoir sans trop de risques la faible probabilité de voir cadres supérieurs et dirigeants basculer en open-space et flex-office, d’autant plus qu’ils travaillent dans des TPE et/ou dans l’industrie.
TABLEAU 3 : « les lieux de travail dont je dispose sont bien adaptés à mes besoins » | |
D’accord : 80%, dont : | Dirigeant : 98% |
Bureau individuel fermé : 85% | |
Tout à fait d’accord : 22%, dont : | Dirigeant : 53% |
TPE : 30% | |
Bureau individuel fermé : 28% | |
Pas d’accord : 20%, dont : | Poste non attribué : 29% |
26 à 35 ans : 26% | |
Source : enquête ACTINEO 2019 |
La multiplication des « lieux auxiliaires de travail » dans son immeuble de bureau :
Au-delà des lieux traditionnellement appelés « bureaux », il peut exister de nombreux autres lieux qui constituent autant de « lieux auxiliaires de travail » complémentaires. En référence à l’immeuble que les actifs répondants à l’enquête ACTINEO ont considéré comme lieu principal de travail dans les locaux de leur entreprise, nous avons identifié 16 lieux auxiliaires, présents dans des proportions très variables d’un immeuble à un autre.
Dans les immeubles qui disposent d’au moins un de ces lieux (91% du total), leur taux de présence moyenne est faible (22%), avec une dispersion très élevée. En effet, outre la situation exceptionnelle des « coins café et des machines à café » qui sont présents dans 66% de ces immeubles, le lieu auxiliaire le plus présent est constitué des « cuisines en libre accès » qui ne sont présentes que dans 38% des cas. A l’opposé, les « espaces de co-working » ne sont présents que dans 6% des cas et « les espaces d’innovation de type fablab ou incubateurs » ont une présence confidentielle de 2%.
La prise en compte de la combinatoire de ces lieux donne une vision un peu différente : 15% sont uniques, 16% sont au nombre de deux, 18% au nombre de trois et 41% au nombre d’au moins quatre. En dynamique, par rapport à l’enquête de 2017, le pourcentage d’immeubles avec taux de présence de lieux le plus élevé a le plus augmenté (6 points). Cet accroissement confirme l’existence d’une réelle dynamique dans la multiplication des lieux auxiliaires, probablement en relation avec l’arrivée sur le marché de nouveaux immeubles de bureaux à destination des grandes entreprises.
Au regard de ces taux de présence, il est intéressant d’examiner leurs niveaux d’usage. Ils déterminent une disponibilité potentielle pour accueillir des postes de travail supprimés par ailleurs – ce qu’on pourrait appeler un « un taux de disponibilité à la reconversion » -, lequel pourrait être d’autant plus grand que des niveaux d’usage sont faibles. Par contraste avec le constat précédent, la prise en compte comme indicateur du niveau d’usage « d’au moins une fois par semaine » fait apparaître un usage global relativement fréquent associé à une dispersion relativement faible. En effet, leur usage médian est de l’ordre de 80% et la dispersion va du « coin café » (le plus utilisé avec 90%) aux « salles de réunions centrales réservables » qui le sont le sont moins (avec 55%). Les « salles de conférence et auditorium » présentant un véritable décrochement d’usage avec 44%.
Une typologie des lieux auxiliaires par finalités :
Pour faire le lien entre ces lieux auxiliaires de travail et le fonctionnement actuel des entreprises, les 16 lieux sont répartis en plusieurs catégories de finalités d’usages avec une distinction entre ce qui relèverait d’une logique « traditionnelle » et ce qui relèverait d’une logique de « modernité » au regard des critères d’aujourd’hui. A cette fin, nous les avons classés en trois grandes catégories et pour chacune d’entre elles nous avons comparé le taux de présence et la fréquence d’usage à l’aide du critère précédemment évoqué.
TABLEAU 4 : | |
Lieux destinés à permettre de travailler au calme | Traditionnels : bibliothèques |
Modernes : bulles ou espaces de confidentialité | |
Lieux destinés à favoriser le travail collaboratif | Traditionnels : salles de réunions centrales réservables ; salles de conférence et auditorium |
Modernes : salles de réunion de proximité en libre accès ou facilement réservables par informatique ; salles de visio-conférence ; espaces conviviaux de partage informel ; espaces de co-working ; espaces d’innovation du type fablab ou incubateurs | |
Lieux conviviaux de détente et de restauration | Traditionnels : coins café et machines à café ; cafétérias ; restaurants d’entreprise ; |
Modernes : cuisines en libre accès ; salles de repos-détente ; salles de sport ; jardins, terrasses ou espaces verts | |
Source : enquête ACTINEO 2019 |
Deux lieux auxiliaires destinés à favoriser le travail au calme (tableau 5) :
Parmi ces lieux peu nombreux, les bibliothèques restent peu présentes et très moyennement utilisées, elles constituent un outil particulier pour celles et ceux qui travaillent en entreprise. De même, la très faible présence de bulles de confidentialité s’explique par le fait qu’elles sont une composante des open spaces de qualité qui, à ce jour, ne sont pas encore très répandus. Par contre, il est difficile de s’expliquer pourquoi les bulles de confidentialité ne sont pas pleinement utilisées alors qu’elles sont là pour remédier à ce qui est présenté de façon récurrente comme étant les deux grands défauts des open spaces : bruit et absence de confidentialité. Par comparaison, on voit que le taux de disponibilité à la reconversion des bibliothèques est relativement élevé.
TABLEAU 5 : | Taux de présence | Utilisation régulière |
Bibliothèques (lieu traditionnel) | 12 % | 62 % |
Bulles ou espaces de confidentialité (lieu moderne) | 7 % | 77 % |
Source : enquête ACTINEO 2019 |
Sept lieux destinés à favoriser le travail collaboratif (tableau 6) :
Le travail en équipe se développe, fortement porté par les espaces de travail ouverts. En corollaire, la « capacité à travailler ensemble » prend une place accrue parmi les compétences recherchées. La dynamique de ces lieux s’inscrit dans cette tendance, avec une extension des lieux traditionnels et surtout la création en nombre de ces nouveaux lieux « modernes » destinés à favoriser le travail collaboratif sur des bases qui, par opposition aux lieux « traditionnels », se veulent conviviales et créatives. Entre 2017 et 2019, parmi les lieux traditionnels, le niveau d’usage des « salles de réunion centrales réservables » s’est accru de 7 points. Pour les lieux modernes, le taux de présence des « salles de réunion en libre accès » s’est accru de 4 points ; celui d’usage des « salles de visio-conférence » s’est accru de 18 points et celui des « salles de réunion de proximité » de 9 points.
TABLEAU 6 : | Taux de présence | Utilisation régulière | |
Traditionnels | salles de réunion centrale réservables | 29 % | 55 % |
salles de conférence et auditorium | 14 % | 44 % | |
Modernes | salles de réunion de proximité en libre accès ou facilement réservables par informatique | 27 % | 64 % |
salles de visio-conférences | 19 % | 55 % | |
espaces conviviaux de partage informel | 18 % | 89 % | |
espaces de co-working | 6 % | 86 % | |
espaces d’innovation du type fablab ou incubateurs | 2 % | 77 % | |
Source : enquête ACTINEO 2019 |
Parmi les lieux traditionnels, la présence élevée (au regard des autres lieux) de salles de réunion centrale s’explique par le fait qu’elles constituent une grande composante des organisations bureaucratiques. Leur faible usage (également au regard des autres lieux) s’explique par la critique récurrente faite par ceux qui veulent les utiliser, aux services centraux chargés des réservations. De même, les faibles taux de présence et d’usage des salles de conférence (et autres auditoriums) s’expliquent par le fait qu’elles sont réservées à des grandes entreprises et organisations, et pour des usages exceptionnels. En matière de disponibilité de reconversion, ces salles de réunion se situent à un niveau élevé et cela d’autant plus que seraient développées les visio-conférences tandis que cette disponibilité serait plus faible pour les salles de conférence et les auditoriums, ceux-ci étant le plus souvent aménagés en gradins, sauf dans une perspective de postes de travail non dédiés pour des collaborateurs nomades.
En ce qui concerne les lieux « modernes » dont on peut noter le nombre relativement élevé en relation avec la logique dominante, on constate des situations contrastées, autant dans les taux de présence et les niveaux d’occupation que dans la combinaison des deux. Ainsi, les salles de réunion de proximité qui, avec les bulles ou espaces de confidentialité, font partie de ce que nous avions appelé au début des années 2010 des « open spaces intelligents » sont, de façon tout à fait logique en raison de leur ancienneté, nettement plus présentes que les autres alors que curieusement elles sont relativement peu utilisées[7]. Dans une perspective du développement du télétravail, leur niveau d’usage devrait fortement augmenter au même titre que celui des salles de visio-conférence. A l’inverse, les « espaces conviviaux de partage informel » également relativement présents font preuve d’un niveau d’usage élevé, signe d’une forte appétence pour cette façon de travailler, alors que pour l’avenir leur modalité d’usage devra s’adapter aux modalités de distanciation imposées. Les mêmes questions se posent pour deux lieux peu présents -fraichement importés des « Tiers-Lieux » – que sont les espaces de co-working et les fablab, relativement plébiscités à travers leurs niveaux d’usage, traduisant la même appétence pour des collaborations libres et informelles.
Sept lieux auxiliaires destinés à vivre ensemble, de détente et de restauration (tableau 7) :
Par contraste avec les lieux auxiliaires précédents expressément dédiés au travail, nous avons regroupé dans cette catégorie des lieux destinés à « vivre ensemble » plus qu’à « travailler ensemble ». Ces lieux sont également des lieux de « production de lien social » qui jouent un rôle important dans la qualité de vie au travail – la fameuse QVT- et plus largement dans le bien-être et la santé au travail, avec l’alimentation et les activités physiques.
TABLEAU 7 : | Taux de présence | Utilisation régulière | |
Traditionnels | coins café et machines à café | 66 % | 90 % |
cafétérias | 22 % | 82 % | |
restaurants d’entreprise | 22 % | 82 % | |
Modernes | cuisines en libre accès | 38 % | 82 % |
salles de repos-détente | 34 % | 87 % | |
jardins, terrasses ou espaces verts | 24 % | 71 % | |
salles de sport | 7 % | 62 % | |
Source : enquête ACTINEO 2019 |
A l’exception des salles de sport qui sont à la fois peu présentes et relativement peu utilisées, tous les autres lieux ont l’un dans l’autre la caractéristique inverse. C’est tout particulièrement le cas des « coins café et machines à café » qui sont littéralement plébiscités. Ces lieux prennent l’image allégorique du lavoir du village, lieu de labeur, d’échanges et d’intégration sociale. C’est également le cas des « cuisines en libre accès » qui représentent aujourd’hui la culture française du plaisir de la table partagée autant que la volonté de se faire rapidement à manger. Elles ont vu leur taux de présence s’accroitre de 4 points par rapport à 2017, tandis que les « restaurants d’entreprise » ont vu leur niveau d’usage augmenter de 9 points. Et c’est aussi le cas des « jardins, terrasses et espaces verts » qui traduisent, outre l’envie d’un retour de la nature à la ville, une demande de « convivialité intégrative » à travers le plaisir de jardiner ensemble, sorte de nostalgie des jardins ouvriers.
Dans la perspective de l’obligation de respect des distances physiques, les évolutions des conditions d’usage de ces lieux relèvent de la logique des lieux accueillant du public : restaurants et cafés, salles de sport et jardins. Mais on voit aussi que dans une logique de gestion des bureaux, un lieu comme les salles des restaurants, dans le prolongement d’un mouvement déjà amorcé, peut devenir une réserve plus ou moins substantielle de postes de travail eux aussi partagés.
[1] iribarne@msh-paris.fr ; Directeur de recherche au CNRS ; Président du Comité scientifique d’ACTINEO
[2] A ce propos on peut légitimement penser que compte tenu de l’importance des enjeux aussi bien économiques que sociaux qui vont se nouer autour de cette question d’optimisation d’usages de surface, des logiciels adaptés à la résolution de ce type de problèmes vont être rapidement proposés.
[3] Voir Edward T. Hall, La dimension cachée, trad. Français, Point- Essais 1976. C’est cette notion de distance Kinésique qui a servi de base à E.T. Hall pour définir sa notion de proxémie, c’est-à-dire la distance plus ou moins grande de perception du danger que représente l’autre. Elle est essentielle pour appréhender les espaces de bureaux du point de vue du bien-être des utilisateurs. De ce point de vue, une augmentation de la distance imposée entre les postes de travail améliorera le bien-être des collaborateurs dont la distance proxémique sera forte.
[4] Sur les 170 répondant à l’enquête ACTNEO 2019 qui ont déclaré ne pas disposer d’un poste de travail attribué, seuls 8% ont déclaré avoir la possibilité de préréserver leur place.
[5] Très Petites Entreprises (moins de 10 salariés, CA et total du bilan inférieur à 2M€)
[6] Les Milléniales correspondent aux 19-29 ans et les entreprises les plus grandes aux plus de 250 salariés
[7] Alain d’Iribarne, Performance au travail et si tout commençait par vos bureaux ? Editions Italiques, Paris, 2012.