11 avril 2023

CAHIER 24 – Document 2

Facility et Hospitality
face à la gestion de l’Hospitalité et des Aménités

Partie II / II
Pour un Management de l’Hospitalité et des Aménités

Xavier Baron, consultant BCRH, Sociologie, co-fondateur et coordonnateur du CRDIA

 

Diffusé le 18/04/2023, avec le soutien de l’IDET et du SYPEMI 

Les concepts de Facility Management (FM) et d’Hospitality Managers (HM) sont discutés en regard d’observations menées sur plusieurs situations spécifiques configurées entre plusieurs prestataires et leurs clients. Une doctrine professionnelle s’ébauche, au profit de systèmes fonctionnels de production de Services aux Environnements de Travail (SET), dépassant l’assemblage d’activités au profit d’une explicitation des besoins en compétences et en formation des professionnels, prestataires et clients. Le premier des deux articles de cette analyse, « De l’exécution de prestations à la mise en œuvre de systèmes fonctionnels de Services aux Environnements de Travail », est paru dans le Cahier du CRDIA n°21 de décembre 2022. On pourra également consulter, sur ce même sujet, le podcast de Workplace Magazine, en partenariat avec l’IDET : « Hospitality Management, quelles réalités derrière la promesse ? » à l’adresse suivante : https://workplacemagazine.fr/welcome-to-the-office/20023/hospitality-management-quelles-realites-derriere-la-promesse%C2%A0

 

 

Un postulat & trois  hypothèses

Le postulat : la valeur d’impact utile des services est enrichie à condition de savoir intégrer, mutualiser et coopérer. La mise en œuvre de services permettant de garantir une performance d’usage des aménités des environnements de travail exige des systèmes de production des SET qui soient eux-mêmes serviciels, intégrés sur un mode coopératif, singuliers et évolutifs. Pensée, à l’instar des productions industrielles, sur un mode hiérarchisé et séquentiel, l’intégration génère tensions et risques de prédation de marges, à l’opposé des gains d’optimisation et de massification qui en constituent la promesse. Si l’intégration des services est un levier de performance, elle doit donc se gérer dans les limites des capacités réelles de coopération des opérateurs (macro lots).

 

Les trois hypothèses :

 

  1. Pour intégrer efficacement les activités « à l’usage » et en pertinence située, les organisations en multi techniques et/ou multiservices, doivent mettre en œuvre un « Management de l’Hospitalité et des Aménités » de qualité, défini ci-après.

 

  1. Le Management de l’Hospitalité et des Aménités (MH&A) répond à l’exigence d’une double coopération (gisement de productivité en valeur) entre prestataires d’une part et avec les bénéficiaires d’autre part. Il est question ici d’un système de management capable d’enrichir l’impact utile des SET, au-delà des missions particulières de type rondes, écoute, communication, contrôle et gestion de la sous-traitance etc. souvent confiées aujourd’hui aux hospitality managers ou hospitality officers. Utiles pour des systèmes défaillants, de telles prestations sont accessoires dans une approche servicielle mature.

 

  1. Un management efficace de l’Hospitalité et des Aménités impose de refonder régulièrement l’accord sur le « travail bien fait », entre le système du client et le système du prestataire. Il suggère des outils de gestion, des instances et des compétences capables d’apprécier régulièrement l’impact des services rendus en pertinence située par chaque prestation, et également pour l’ensemble du système de production des services que requiert l’exploitation des environnements de travail.

 

Pour un Management de l’Hospitalité et des Aménités

Les offres de prestations de SET organisées en Facility Management  (FM) sont aujourd’hui principalement caractérisées par l’adjonction d’une prestation dite de pilotage par l’un des prestataires, sur les activités des autres devenant sous-traitants de deuxième rang. Elle correspond à une externalisation de la gestion des achats et du contract management d’une partie des services. Cette prestation est évidemment réservée au contractant leader (dit FMer) contre une facturation forfaitaire et proportionnelle[1].  Le « FMer pilote » assume alors une fonction d’assemblage de métiers relevant de secteurs ou branches différents. Les prestations dites d’Hospitality Management (HM) telles qu’elles sont observables relèvent largement de cette logique mais peuvent aussi faire l’objet d’offres de prestations particulières en lots séparés[2]. Une autre conception du HM peut être travaillée, plus ambitieuse et non limitée à des emplois particuliers : elle doit être conçue comme un système de management de l’hospitalité et des aménités.

 

 

Le HM comme sous-ensemble de prestations techniques particulières

Dans les compréhensions et les réalisations rencontrées, le HM est présenté suivant différentes dimensions[3]:

 

  • une prestation supplémentaire, avec un parti pris qualitatif et « orienté occupants », définie techniquement par des activités de type « écoute des occupants, ronde, animations, communication »… On rencontre ainsi des intitulés de type « responsable d’immeuble », « welcome ou floor managers» pour décrire une fonction d’accueil et de coordination souvent pensée par analogie avec l’hôtellerie ;
  • une fonction portée par une ou des personnes spécialisées, réputées douées d’un « sens du service ». Le HM désigne alors sans distinction un management et une fonction ;
  • deux niveaux sont parfois distingués ; « Hospitality Manager» ou « Hospitality Officer » pour éviter de qualifier de « manager » des salariés positionnés clairement en deçà du statut cadre ;
  • il est souvent conçu explicitement comme un relai de « pilotage » (de gestion contractuelle) des prestations multiservices ou « soft », sous-traitées à des entreprises de services (accueil, courrier, factotum, propreté, plantes vertes, cafétéria…) ;
  • prestation proposée en « option », qui n’est pas toujours explicitement facturée. Elle est prise en charge dans le forfait global ou dans le cadre d’un service level agreement de pilotage.

 

 

Le HM comme indication d’un Management de l’Hospitalité et des Aménités

 Nos observations effectuées dans différentes entreprises utilisatrices de SET opérés avec l’aide de différents prestataires montrent des expérimentations caractérisées par une certaine confusion dans les objectifs, une faiblesse des définitions, des recrutements peu homogènes, et souvent un mal-être sensible de titulaires mal formés et isolés.  Au-delà, une conception servicielle innovante peut être travaillée.

 

Pas de proportionnalité simple entre l’effort et l’effet

Certains professionnels observés et interrogés sur la valeur de leurs prestations considèrent que la valeur de la production des HM n’est pas mesurable. Si elle a une dimension de présence incarnée, elle n’est pas proportionnelle au temps consacré. Les temps des HM rencontrés sont ainsi dimensionnés diversement,  depuis une journée par semaine à un temps plein sur un site, un immeuble. Dans les cas étudiés, la disponibilité résultante est souvent appréciée comme (trop) limitée. C’est une indication de pertinence, notamment dans certaines périodes ; démarrage du contrat, période de déménagements réaménagements, évènements importants non répétables…. Pour autant, ces temps se présentent, à l’expérience, comme potentiellement suffisants pour déployer une contribution de forte valeur ajoutée quelle que soit l’obligation de moyens. Ce n’est pas une affaire de volume de temps !

 

Pas de liste de prestation technique a priori

La valeur ajoutée n’est pas non plus directement contenue dans les activités mises en œuvre. Les SET déploient des « prestations à exécution successive » (c’est le propre de l’exploitation immobilière) mais non complètement définissables a priori. Leurs mises en œuvre sont dépendantes des personnes et des contextes de coproduction avec les bénéficiaires réels. Leurs pertinences ne peuvent être que situées, contextuelles et variables, du fait des relations comme des lieux et des périodes. La fonction ne se résume donc pas à ce qui a été fait (ou à ce qui pourrait être fait), en référence à des « produits » ou à une conformité théorique. Elle ne se limite pas à une simple répétition des mêmes activités ou livrables (rondes, animation, évènement).

 

Une logique d’enrichissement immatériel

Dit autrement, la recherche de caractérisation de l’apport en valeur d’un HM résiste aussi bien à la logique de moyens qu’à celle de résultats. Elle renvoie, là où elle est perçue favorablement, à une logique d’enrichissement de la production de l’ensemble des services aux environnements et en conséquence, à un enrichissement des conditions de la performance du travail mis en œuvre et facilité par ces environnements. Le HM n’est plus alors seulement, ou surtout, une personne, un poste ou une fonction. Il est un élément d’un système, parfois avec quelques heures et la compétence d’un professionnel-expert, parfois avec plusieurs dispositifs de gouvernance. Sans le résumer d’une fonction, le HM désigne un système de management centré sur l’enrichissement immatériel de la production servicielle. On le désignera en inversant l’acronyme anglo-saxon de HM en MH, pour Management de l’Hospitalité et enrichi de la notion d’Aménités ou « MH&A[4] ».

 

 

Le Management de l’Hospitalité et des Aménités, un levier de gains de productivité

 Quels que soient les niveaux de qualité technique d’exécution des prestations (et leurs coûts), la valeur des services est relative à leur pertinence située[5]. Cette pertinence est tout sauf univoque et permanente. Chacun des moments du déroulé d’un contrat d’exploitation présente des besoins et offre des opportunités. Apprécier et agir relativement à cette pertinence est l’affaire du HM quand il agit comme MH&A, en manager de l’hospitalité et des aménités. Les enjeux ne sont plus seulement (ou principalement) dans la garantie d’une exécution conforme des opérations d’exploitation, mais dans une contribution experte au système de production des services. Il est dans un apport de savoirs experts (souvent acquis en dehors et au-delà du client), adossé à une bonne connaissance du client, pour répondre au mieux aux objectifs que ce dernier poursuit.

 

Tirer parti du potentiel des ressources, in situ

C’est l’affaire du MH, qu’il soit une personne ou un dispositif, d’intervenir afin d’enrichir la valeur immatérielle tirée des aménagements et des organisations. Il s’agit de prendre en compte et de tirer parti, par exemple :

  • des impacts de l’Open Space et du Flex Office sur le lien social, l’esprit d’équipe, le sentiment d’appartenance à l’entreprise ;
  • des conséquences des choix des clients en matière de télétravail sur les usages des espaces et sur les services éventuellement associés ;
  • du fonctionnement et des modalités d’occupation des espaces permettant d’y contribuer (comme les noyaux, l’accès aux salles de réunion) ;
  • de la contribution de l’espace, par ses aménagements et sa contribution à l’identité visuelle à la fierté « d’appartenir à l’entreprise » : faire connaître l’activité de l’entreprise aux salariés (sens et cohésion), montrer les produits, le savoir-faire, rappeler les dates clés de l’entreprise…

 

C’est un process de l’ordre de la mission ou de projets d’enrichissements immatériels des fonctionnalités des espaces de travail du client, du bâti qu’il possède ou qu’il loue, au profit d’une performance accrue de ses salariés au travail. C’est un process sans fin, répétable mais jamais à l’identique, co-produit et co-évalué. Il n’est pas limité à une simple répétition des mêmes productions/prestations à exécutions successives (définies techniquement), il conçoit en même temps qu’il met en œuvre.

 

Enrichir des « prestations de services » en « relations de services »

Le process de production qu’il est question d’inventer n’est pas de l’ordre de l’opération et encore moins de l’exécution. Il est relationnel. En passant du HM au MH&A, il ne s’agit plus de « prestations de services », mais d’un système de « relations de service ». En plaçant l’originalité et la pertinence du MH dans cette évolution de la prestation à la relation, l’analyse indique qu’il s’agit d’un système de management (des principes, des objectifs, des règles, des instances…) et non d’une liste de prestations techniques, qu’elles soient réparties ou au contraire confiées à un emploi ou à une fonction particulière. Qu’il y ait un poste dédié ou non à la finalité, qu’il soit porté par des salariés du client (responsables de gestion de site, responsables services généraux, directeurs des environnements de travail (DET)) ou qu’il soit proposé par un prestataire, le MH&A comme système est alors la condition d’une relation d ’intérêt commun[6] fondée sur l’engagement du prestataire à maximiser (optimiser) l’impact utile des dépenses de son client pour l’obtention de la performance. L’accord de coopération qui est en jeu n’est plus principalement structuré sur des prestations vendues et achetées, mais sur un engagement à des relations menées en coopération, et évidemment, de bonne foi.

 

Une clé de voûte systémique

Nous avons étudié ainsi des cas (encore rares) dans lesquels le HM est déjà un MH&A. Il n’est plus un simple  transfert des coûts de transaction par externalisation d’une fonction de gestion contractuelle. Ce n’est pas une option de service supplémentaire plus ou moins pertinent en lui-même et délivré de manière particulière.

Le MH&A n’est pas réductible à des moyens ou des prestations définies techniquement (la ronde, la veille, l’animation, le pilotage). Le HM ne désigne pas un poste ou une situation de travail mais une fonctionnalité. Il constitue la clé de voûte (parfois incarnée mais surtout organisationnelle) d’un « système de management » des SET.

Parler de  « clé de voûte » relève de la métaphore. Il s’agit de proposer une représentation du rôle et de la place d’une fonction dont la qualité (pratiquement sans pouvoir hiérarchique) est de garantir un équilibre au croisement des forces et attentes :

  • du client autorité contractuelle, représenté par des personnes plus ou moins dotées de compétences et d’autorité en interne pour garantir la capacité du système de production serviciel confié à des prestataires externes à générer les résultats attendus, dans la durée ;
  • du contractant prestataire de tête (le FMer) qui recherche les moyens d’une fidélisation et d’une qualité de relation propres à garantir le renouvellement du contrat ;
  • de tous les autres prestataires mobilisés qui doivent intégrer un « service sans couture », tout en étant parfois éloignés (voire tenus à l’écart) de la relation directe avec le client ;
  • des œuvrants des prestataires, salariés du FMer, mais également tous les salariés des sociétés mobilisées en sous-traitance, souvent isolés mais appelés à coopérer au quotidien ;
  • des bénéficiaires finaux dont le MH&A devient le meilleur représentant.

 

Pour être dans la situation de la clé de voûte, pour « faire tenir ensemble », pour « maintenir », le MH&A est un « dispositif » associant les 5 acteurs ci-dessus. Le porteur de la fonction ne peut pas être directement ou sans précaution subordonné à un des piliers du  système. Dans tous les cas, salarié du client ou prestataire, il faut qu’il soit  mandaté clairement pour créer les conditions de la relation et du meilleur service possible.

 

Une autorité d’influence, une capacité d’agir sans pouvoir

Le MH&A peut alors (et doit) exercer une autorité d’influence sans pouvoir hiérarchique. Sa puissance (capacité réelle d’intervention) dépend de plusieurs facteurs. Outre des talents et des compétences individuelles plus ou moins répandus, il doit être :

 

  • connaisseur des conditions de la performance du système de SET. C’est nécessairement un professionnel de l’exploitation. C’est nécessairement un acteur perçu comme expert. Il peut alors relayer la compétence des clients dont ce n’est pas le métier ;
  • solidaire des attentes de résultats du client (qualité de vie au travail, performance des bâtis, facilitation du travail des salariés du client), mais non comptable des moyens que celui-ci engage. Il peut alors relayer le client dans la traduction au quotidien de ses attentes de résultats (les mythiques « besoins ») dans le management d’un système de production intégré de prestations à exécution successive ;
  • acteur sur la durée et garant de la maximisation des impacts utiles des services dans la limite des moyens alloués par le client, au-delà et à côté des enjeux de satisfaction. Il doit alors contribuer par son expertise et ses innovations à enrichir régulièrement l’organisation et les compétences allouées au système de production servicielle mis au service du client ;
  • Indépendant des rationalités de court terme du prestataire qui l’emploie et non comptable des limitations de moyens (du fait du client) comme des enjeux de rentabilité des opérateurs. Ce point est fortement souligné dans les cas étudiés.

Vers un système de relations croisées

Le MH&A peut être salarié du prestataire, mais ne doit pas être subordonné à la rationalité économique immédiate de son employeur. Il ne peut pas être non plus complaisant avec la rationalité du client quand il recherche des économies. Il doit, pour l’équilibre du système, privilégier la recherche de la performance au travail des bénéficiaires. Si le MH&A est principalement composé de salariés du client, il est important alors de le mandater, non seulement pour « parler au nom des bénéficiaires »  (et pas seulement du client auquel il appartient), mais pour veiller aux conditions de performance des prestataires qui dépendent du client.

A ce prix, par son expertise et sa position, il est le premier et en principe le meilleur représentant des bénéficiaires. Mais pour satisfaire au mieux les bénéficiaires, il doit réunir les conditions de la performance du travail des œuvrants des services. Les services sont toujours une co-production ; entre bénéficiaires et œuvrants, mais également entre clients et prestataires.

Sa contribution à la performance du système de production servicielle est conditionnée à l’exercice d’une force complémentaire. Si le MH&A défend particulièrement les bénéficiaires, le système doit être équilibré par une défense efficace des prestataires. Qui se préoccupe des conditions de la performance du travail des œuvrants, qui travaille à la qualité de leurs conditions d’emplois ? Autant de questions qui doivent être traitée par le MH&A.

Dans une relation surdéterminée par un échange commercial, dans lequel le client est toujours plus ou moins dominant, notre hypothèse est que cette fonction revient à un responsable du client, responsable services généraux du site ou DET. En même temps, dans une relation ou l’expertise est alimentée par le travail et la responsabilité des prestataires, la part du MH&A qui profite directement aux bénéficiaires trouvera plus sûrement ressources et compétences chez les prestataires, mais à condition d’en installer l’exercice sur un mode indépendant des rationalités commerciales.

 

 

Professionnaliser des rôles redistribués ?

 Les cas étudiés mettent ainsi en perspective l’hypothèse d’une forme d’inversion des rôles actuels, hérités d’une hiérarchie de noblesse entre client et prestataire, entre les responsables de site des prestataires et les responsables services généraux (ou DET) des clients.

Dans l’approche habituelle, les responsables des environnements du travail des clients se vivent comme les « représentants et les référents des attentes des bénéficiaires ». Ils sont censés connaître et interpréter les « besoins » des bénéficiaires. Ils sont supposés compétents pour juger des manières d’y répondre. Ils en tirent une légitimité apparemment évidente (ce sont eux les représentants du client). Cette conception renvoie parallèlement les responsables des prestataires à la suspicion d’un réflexe de défense des intérêts du prestataire, d’optimisation (chiffre d’affaires et marges) du modèle d’affaire de leurs employeurs. Elle jette le doute sur la capacité loyale d’un responsable du prestataire à interpréter et défendre les attentes des bénéficiaires.

 

Notre constat est qu’il y a là un double mythe pervers : plus le partenaire est un fournisseur (au-delà de l’externalisation), plus le client est dépendant et doit lui laisser les marges de manœuvre nécessaires à l’exploitation de son expertise. Dans le même temps, le pouvoir et les savoirs du client doivent s’exprimer et agir sur le domaine qui lui est propre, sur les contraintes et les opportunités que le donneur d’ordres impose et propose à ses prestataires.

 

L’hypothèse qu’illustrent certaines réalisations en émergence de MH&A correspond à une nouvelle distribution des rôles et des responsabilités. En pratique, le DET n’est pas aussi compétent que le prestataire s’agissant d’anticiper et organiser ce qu’il convient de faire, notamment sur le « comment » des services. Au-delà, il ne peut agir sur les œuvrants des prestataires que par des voies indirectes ; contrôles, gouvernance, menaces de sanctions. Il n’est ni autorisé, ni légitime à mobiliser la subordination.

 

Il est par contre le mieux placé pour aider à réunir les conditions d’un déploiement optimal du travail des prestataires sur ses espaces de travail. Il peut, en tant que responsable client, veiller aux conditions d’une coproduction et d’une bonne évaluation. Le responsable des environnements de travail du donneur d’ordres est alors le meilleur défenseur des conditions de mise en œuvre du travail des œuvrants, pendant que le ou les responsables des œuvrants sont les mieux placés pour « représenter les occupants », les plus compétents pour traduire les besoins et attentes des salariés du client. C’est le sens de l’exigence d’indépendance que souligne par exemple un client dans le positionnement d’un MH&A mis en place chez lui par un prestataire.

 

Le client partage l’exigence de résultat, mais il a plus de pouvoir et de puissance réelle s’agissant d’agir sur sa propre entreprise (et ses occupants) pour faciliter le travail des œuvrants, que pour agir en direct sur les œuvrants.

Le prestataire partage la responsabilité de moyens. Il est conscient des limites du consentement à la dépense du client. Il a cependant plus de pouvoir et de puissance réelle s’agissant d’agir sur les services (priorités, modalités) et avec les œuvrants (dont il est employeur au moins pour certains), s’il est positionné en interprète des besoins, des attentes et de la satisfaction des bénéficiaires.

Bref, c’est alors au prestataire de dire quel est le besoin, et la réponse due aux bénéficiaires pour les satisfaire aux mieux du consentement à la dépense du client. Mais c’est au responsable du client de veiller à réunir les conditions d’une performance au quotidien des œuvrants de son prestataire, en agissant sur le cadre de leur travail et en veillant à la qualité des relations avec les bénéficiaires.

 

 

Construire le référentiel du Management de l’Hospitalité et des Aménités des Environnements de Travail

 Les cas que nous avons observés sur la trajectoire de systèmes de MH&A vont au-delà de l’offre accessoire que constituent trop souvent les « Hospitality Managers »[7].

 

Les réussites ou intuitions partagées par le client et le prestataire illustrent une hypothèse d’autant plus intéressante qu’elle est adossée aux fondamentaux de la servicialisation, mais également qu’elle propose un paradoxe. Ces cas indiquent la pertinence d’une relation solidaire et croisée.

Le MH&A à l’initiative du prestataire est probablement le plus compétent et le meilleur interprète/avocat des bénéficiaires (salariés du client). Le responsable services généraux du site (salarié du donneur d’ordres) est lui le mieux placé pour contribuer à réunir, sur le site du client, les conditions de la meilleure production possible des œuvrants de ses sous-traitants.

 

C’est alors un système de Management de l’Hospitalité et des Aménités qui doit permettre d’assurer la maximisation de l’impact utile des services aux bénéficiaires (leur pertinence), qu’il soit mis en œuvre (et facturé par le prestataire), ou qu’il soit internalisé. Dans tous les cas, c’est au client d’assurer et réunir les conditions de la performance du travail des œuvrants employés par les prestataires, sur son propre site et au bénéfice de ses occupants.

 

Dans un cas comme dans l’autre, un cahier des charges apparaît avec en filigrane une définition de fonction des professionnels, aussi bien prestataires que clients. Le MH&A est ainsi l’espace permettant de définir des attentes, des compétences, des rôles, des activités constitutives d’un « métier » central et transverse spécifique de la filière.

 

Loin d’être un simple supplément d’âme, une prestation (hôtelière) de luxe ou même une courroie de transmission du pilotage (entre occupants et prescripteur donneur d’ordres, entre bénéficiaires et œuvrants), le professionnel du MH&A vise l’enrichissement du travail des œuvrants par un accroissement de pertinence et d’impact utile pour les occupants. C’est alors le levier de la productivité en valeur d’activités, on le rappelle, d’une main d’œuvre faiblement automatisable et non délocalisable.

 

 

[1] Notons l’apparition pour l’instant encore marginale, d’une offre d’expertise en assistance à maîtrise d’œuvre d’exploitation des environnements de travail, volontairement exempte de gestion d’achats et de sous-traitance cf. la Société Maintners, https://maintners.com/nos-services/ consulté le 08/06/2022.

[2] Nous n’avons pas eu l’occasion d’en étudier de cette forme.

[3] Cf notre article « Quand les usages s’invitent dans le management des environnements de travail », Workplace Magazine, n° 293 de novembre 2020.

[4] Cf notre article précédent.

[5] Voir nos articles sur ce concept.

[6] CF notre article dans « Semaine Juridique », juillet 2021, avec Jean Yves Kerbourc’h.

[7] Sans qu’il soit loisible ici de tirer des généralités à partir d’observations menées sur quelques cas, nous sommes témoins d’un fort mal-être exprimé par de nombreux Hospitality Managers rencontrés. Ils sont conscients des limites et des ambiguïtés dans lesquels les mettent la définition industrialiste de leur position professionnelle. Ils disent leur incapacité à faire du bon travail. De leur côté, les prestataires soucieux d’enrichir leur offre disent tous leurs difficultés à recruter.