Une offre de Propreté à l’Usage Instrumentée par un système utilisant algorithmes et capteurs
ONET
Xavier Baron, consultant BCRH, Sociologie, co-fondateur et coordonnateur du CRDIA
Onet Propreté et Services
Onet SA est un groupe familial détenu par la holding Reinier. Le chiffre d’affaires du groupe Onet atteint 1,9Md€ pour environ 68 000 collaborateurs. Le groupe rassemble plusieurs métiers sous la marque Onet Propreté et Services, logistique, sécurité, services aéroportuaires, accueil, et également sous d’autres marques comme AXXIS (intérim), Prodim (produits propreté) et Sinteo (ingénierie en performance énergétique). Onet Propreté, Services associés et gestion des déchets annonce 47 000 collaborateurs soit environ 35000 équivalents temps-plein, et 450 agences[1].
Une innovation fondée sur l’usage de l’internet des objets (IdO) et de l’intelligence artificielle (IA)
Depuis octobre 2020, Onet propose une capacité à déployer une solution innovante de « propreté à l’usage » fondée sur des technologies de l’IdO et des algorithmes, avec un nom déposé, « Clean Connect »[2]. Commercialement, l’offre client est packagée, avec à disposition des forces de ventes une application de présentation en réalité virtuelle. L’argumentaire en avant « la première offre de propreté à l’usage » :
« Historiquement, le métier de la propreté est basé sur un modèle statique avec une organisation figée, basée sur une fréquence d’intervention et sur un prix au mètre carré. Avec CleanConnect, ce modèle devient dynamique. Notre idée est simple : allier l’humain et les avancées de la technologie pour répondre encore plus précisément aux besoins de nos clients. CleanConnect permet d’intervenir au bon moment, au bon endroit en améliorant, en continu, la qualité de nos prestations de services délivrées aux utilisateurs finaux en temps réel. Plus qu’une simple solution de propreté, CleanConnect est un véritable nouveau modèle d’organisation de nos prestations. Quels sont les avantages de cette solution au quotidien ?
Pour nos clients et usagers, nous contribuons à :
- augmenter leur performance globale en offrant un environnement de travail performant, propre à l’usage, avec le niveau de qualité souhaité ;
- renforcer le confort des collaborateurs et des utilisateurs finaux du site. Ces derniers se trouvent désormais au cœur du processus de propreté, impliqués par leur seule présence dans des prestations devenues personnalisées.
Pour nos collaborateurs :
- Plus valorisés, autonomes, et motivés, nos collaborateurs évoluent au plus près du client ;
- En intervenant au bon moment au bon endroit, et lorsque l’usager en a besoin, nos agents donnent encore plus de sens à leur actions ;
- Un pilotage de la prestation plus simple et plus efficace. »
Le dispositif en expérimentation
Le dispositif permet de générer à l’aide d’algorithmes des commandes de prestations déclenchées automatiquement en fonction de l’usage, défini par une mesure des présences par capteurs traduisant une fréquentation et/ou des circulations.
Les données sont collectées sur les sites par une famille d’objets connectés ; 4 capteurs d’occupation de l’espace, 2 capteurs de comptage, 1 capteur de remplissage poubelle, 3 capteurs de niveau de consommation de produits sanitaires (papier, savon, essuie-main). Elles remontent sur un hub de données que l’on croise à un clean book. Il n’est pas nécessaire d’intégrer des plans numérisés à jour, le système utilise une collecte d’informations topologique. Les capteurs alimentent en « données chaudes » une application informatique spécialement développée avec plusieurs « passerelles ».
Constituée d’une plateforme, l’application est hébergée dans le cloud. A l’aide d’algorithmes paramétrables, le dispositif met en regard les données et les besoins définis préalablement, et déclenche automatiquement les commandes. Les seuils de déclenchement des interventions (par exemple, 40 passages dans un sanitaire) sont définis dans une phase d’installation, a priori sur un mode « expert ». Ils sont ajustables et ajustés pendant les premières semaines d’exploitation.
Les données sont ensuite transférées sur une interface web. Les commandes sont transmises directement sur les smartphones des agents. Le système gère des tâches récurrentes préprogrammées, mais également des tâches supplémentaires, à partir de « données chaudes » comme :
- des seuils de fréquentation (salles de réunion ou sanitaires par exemple) ;
- un seuil minimum de niveau de consommables (distributeurs de savon par exemple) ou maximal de capacité de contenant (poubelles).
Chacune des interventions programmées est affectée d’une indication de priorité. Si le site est en « apport volontaire de déchets », les poubelles ne sont pas connectées. Le management peut interroger le système et intervenir en permanence, notamment pour y ajouter des demandes d’intervention en urgence, y compris à partir du format smartphone. Chaque jour, le système édite automatiquement une fiche de tâche pour chacun des agents selon deux grandes modalités :
- en décalé, le système collecte en jour J des données, les traite en mode « froid » et redescend les tâches à effectuer le lendemain, en J+1, en fonction des usages de la veille ;
- en présence des agents, en journée, le système édite également des interventions « en temps réel » sur données chaudes.
Chaque agent reçoit ainsi sur son smartphone une série de demandes d’interventions avec indication des lieux d’intervention. L’agent acquitte ensuite lui-même systématiquement la tâche réalisée sur son smartphone à l’issue de chaque intervention, mettant à jour directement le système de suivi.
Ce dispositif et l’outil ont été testés sur plusieurs sites en 2020 et 2021 :
- un aéroport régional ;
- une gare TGV dans le sud de la France ;
- un site tertiaire de Danone ;
- un site tertiaire des Laboratoires Mérieux ;
- un bâtiment test du siège d’Onet Propreté.
Sur ces sites test, ont principalement été équipés en capteurs :
- les sanitaires ;
- les bureaux ;
- les salles de réunion ;
- les circulations.
Un investissement et un projet de trois ans
Pour parvenir à mettre au point ce dispositif, un travail important a été mené :
- pour figurer précisément les locaux dans le système ;
- pour paramétrer le système avec l’encadrement.
C’est cette interface « encadrement » qui module les seuils de déclenchement des interventions et adresse les alertes en temps réels. Le développement d’un algorithme spécifique a été confié à Sopra Steria à partir de spécifications techniques et fonctionnelles élaborées par Onet. Des interfaces spécifiques avec l’outil smartphone ont été également mises au point. Pour les capteurs de présence et de comptage, l’entreprise a trouvé des produits sur étagères. Les IdO pour le savon dans les sanitaires ont été proposés par un fournisseur de distributeurs. Dans chaque cas d’application, la mise en œuvre du dispositif passe par :
- un travail de figuration des locaux ;
- un travail de paramétrage par une interface encadrants pour identifier les seuils d’intervention comme les motifs d’alertes ;
- une phase de re-paramétrage durant le premier mois.
Ces seuils sont spécifiques et toujours différents d’un site à l’autre. Dans un aéroport, l’expérimentation et l’exigence de propreté ont démontré par exemple la nécessité d’une intervention après 20 passages dans un sanitaire public. Dans un site tertiaire classique, on peut décider d’attendre 40 passages.
Des enseignements d’étapes
Sur tous les sites expérimentés, Onet a enregistré une hausse du taux de satisfaction et un taux de rupture d’approvisionnement tombé à zéro (sur les distributeurs de savon). Les agents par ailleurs économiseraient beaucoup d’énergie et de temps, en ne se consacrant qu’à des tâches indispensables.
Le rapport à la prescription
Le fait d’exécuter une tâche prescrite par un algorithme ne serait pas vécu comme une déshumanisation. « Au contraire, le résultat est bouleversant ». Cela réduirait les conflits, les tensions, et c’est une réduction des soucis des encadrants, qui n’ont plus à négocier. Cela diminue les remises en cause sur le mode « c’est toujours moi qu’on sollicite, mon chef ne m’aime pas ». De ce point de vue, l’algorithme serait aussi légitime, et parfois mieux vécu, que l’encadrant pour donner des ordres. Onet constaterait ainsi une amélioration des relations entre les agents et les encadrants, et de surcroît, l’agent se sentirait valorisé par l’environnement technologique, le smartphone.
L’utilisation d’un smartphone (en plus du balai) est ainsi vécue comme une forme de montée en compétence. Au-delà, le dispositif participerait d’une reconnaissance améliorée du travail réalisé. L’agent acquitte en effet systématiquement ce qu’il a fait dans le système, limitant ainsi les contestations.
La prestation est variabilisée. Selon la fréquentation, s’il y a eu une réunion ou non, le travail induit est différent. Grâce à un dispositif d’alertes spot (alimenté par l’encadrant, le client ou un collègue), la réactivité est meilleure. L’ensemble enfin milite pour le travail en journée, pratique déjà répandue dans l’entreprise.
Relation client et modèle économique
Il n’y a plus besoin de fréquentiel et cela constitue en soi une difficulté, « il faut convaincre nos clients de changer de monde ». Maintenant, nous leur disons « Faites-nous confiance. On vous garantit des locaux propres, avec des données chaudes ». « On peut proposer une garantie de prestation et non plus d’acheter un fréquentiel ».
En opération, les coûts d’installation des capteurs, des supports, la connexion, le paramétrage (les passerelles), sont entièrement pris en charge par Onet. Pour l’utilisateur, dans les positionnements des offres, le retour sur investissement est obtenu à partir d’une réduction de l’ordre de 45 à 50 heures de prestation par mois. Le seuil de rentabilité a été estimé à 5000 m² pour amortir l’investissement de l’équipement en IdO et le paramétrage. La mise au point de ce dispositif a représenté environ 2M€ d’investissement de recherche et dévelopement.
Eléments d’analyse complémentaire par le CRDIA
Clean Connect active principalement l’innovation technologique dans le cadre d’une approche industrielle. L’offre met en scène la preuve/démonstration de modernité, de volonté d’innovation et de la maîtrise des technologies de l’IdO et de l’IA par un major de la propreté. C’est l’activation d’un levier d’image. C’est un levier de valorisation de l’entreprise et de ses salariés à tous niveaux.
L’intégration d’IdO et de bases de données permet d’activer le traitement d’informations numériques en masse et en temps réel pour l’organisation du travail. C’est une contribution à la division du travail.
L’efficacité et l’efficience prescriptive des contrats, des bonnes pratiques professionnelles et de l’encadrement de proximité…, sont enrichies d’un savoir opérationnalisé par l’observation de régularités via des algorithmes. C’est une activation du levier de la standardisation.
Les algorithmes permettent de transformer des relations de causes à effets en régularités mesurables : activation d’un levier de sens et de compétences des agents, comme du management des prescriptions d’interventions de nettoyage en fonction d’un usage défini par l’observation de la fréquentation, des présences, des flux de circulation et des niveaux de disponibilité de consommables…
Un gain en productivité et en confort managérial est apporté par la standardisation d’une part et par la médiatisation de la relation par un système automatique et une interface d’autre part.
L’efficacité et l’efficience prescriptive des analyses de besoins, la définition des cahiers des charges dans les contrats, les bonnes pratiques professionnelles et le savoir professionnel de l’encadrement de proximité…, sont « modélisés » dans des algorithmes traduisant des lois (ou régularités observées) par des seuils déclenchés automatiquement. L’innovation active le levier de la standardisation.
L’organisation du travail est plus « scientifique ». Elle trouve une « justification » (économique et commerciale) de la dépense de propreté dans une référence aux usages des espaces de travail, et pas au nom de routines, de fréquentiels ou de demandes subjectives. L’innovation active le levier de la division du travail.
L’engagement temporel du salarié est potentiellement plus intense. La productivité directe du travail est en principe améliorée, non par intensification des vitesses ou cadences d’exécution, mais par la réduction du délai d’intervention (entre salissement et nettoyage) et la focalisation des interventions sur les espaces « plus utilisés » donc réputés salis. Le dispositif active le levier de l’intensité directe du travail par la réduction de temps et une régulation du risque de sur-qualité (nettoyer ce qui ne serait pas sale).
Enfin, CleanConnect « automatise » une partie du travail d’encadrement technique, de planification et de prescription. C’est donc l’hypothèse d’un gain potentiel en productivité du travail indirect cette fois (management, méthodes). C’est également signalé comme un gain en « confort managérial » dans la relation aux agents, standardisée et médiatisée.
[1] https://www.Onet.fr/
[2] Une présentation commerciale en ligne est disponible sur le site : https://www.Onet.fr/proprete-services/cleanconnect-la-premiere-offre-de-proprete-a-lusage/