31 octobre 2024

CAHIER 34 – Document 1

Quelle stratégie 2024-2027 pour le Sypemi ?

Eric Lefiot, Président & Christophe Leroy, Secrétaire Général

 

Propos recueillis par Michel Platzer et Xavier Baron

Diffusé le 05/11/2024, avec le soutien de l’IDET et du SYPEMI 

Le SYPEMI – syndicat des professionnels du Facility Management – regroupe 24 entreprises, PME et filiales de grands groupes, réparties sur l’ensemble du territoire générant un chiffre d’affaires France de plus de 15Md€, dont 7Md€ de « pur FM ».

 

Il a pour ambition de faire connaître le Facility Management (FM) comme solution stratégique pour la performance des organisations en proposant des services de pilotage externalisé, des activités multiservices et multitechniques. Il vise notamment à :

 

  • Promouvoir les métiers liés au pilotage FM auprès de l’ensemble de l’écosystème : clients privés, donneurs d’ordre, administrations, universités … ;
  • Défendre les droits et intérêts de ses adhérents ;
  • Favoriser le développement des activités du pilote FM externalisé ;
  • Renforcer la qualité de l’image des acteurs de la profession.

 

Le SYPEMI est membre de la FEDENE, la fédération des services énergie environnement.

 

Dans votre déclaration du 24 septembre, consécutive à votre réélection, vous citez trois axes stratégiques : adapter le syndicat aux évolutions du marché, renforcer l’attractivité des métiers du secteur, poursuivre la valorisation de nos savoir-faire spécifiques. Quel regard sur le marché du FM à l’aube de ce nouveau mandat ?

 

C’est un marché qui reste bien présent mais, désigné par le terme de FM, il ne représente stricto sensu qu’une part limitée des activités de nos adhérents (24 sociétés dont une dizaine approchent ou dépassent le Md€ de chiffre d’affaires). Nous estimons à 7 Md€ la part du FM sur quelques 102 Md€ d’activité des SET (Services aux Environnements de Travail, selon l’estimation de notre étude commune conduite en 2022 avec IDET et CRDIA), des prestataires de tous métiers et de toute taille opérant les espaces de travail sur environ un milliard de m².

 

Face à la une demande issue à la fois de PME régionales ou locales et de grands groupes nationaux, européens ou mondiaux, la diversité de l’offre est utile et nécessaire avec notamment des offres FM portées par de petites entreprises agiles adaptées aux besoins des PME clientes. Du côté des grands opérateurs, le cœur de notre métier comporte traditionnellement une capacité réelle d’intégration des services pour une offre globale, associant l’avantage économique de la massification au transfert des risques sociaux vers les prestataires. Mais aujourd’hui, la performance exige d’aller plus loin et d’intégrer un véritable transfert global des risques d’exploitation, et donc appelle des opérateurs aux reins suffisamment solides pour répondre aux grands clients français et internationaux en apportant ce type de garantie.

 

Tout ceci concerne les marchés issus de la clientèle privée. Sauf exception nous sommes aujourd’hui encore peu, et pas suffisamment, présents dans le public.

 

On parle beaucoup aujourd’hui d’Hospitality Managment (HM). Est-ce l’avenir du FM ?

 

Nos adhérents répondent déjà à des demandes intégrant du HM. Ce domaine ne se limite cependant pas à l’adjonction d’un professionnel particulier ou à quelques services supplémentaires aux occupants. Pour reprendre une expression souvent citée par le CRDIA, l’enjeu est bien de « manager l’hospitalité » avec une dimension de plus en plus servicielle, y compris pour les actes techniques.

 

Considérer le HM comme une prestation « en plus » avec un hospitality manager en charge de traiter toutes les attentes des occupants, c’est se tromper de chemin. Pire encore, c’est abandonner l’idée d’une « orientation client » de toutes les équipes puisque l’hospitality manager serait là pour ça. Le risque d’un HM mal compris, c’est de ralentir les nécessaires progrès serviciels structurels du FM.

 

En 2021, vous nous déclariez notamment « Dans l’avenir, le FM doit développer de nouveaux liens avec la territorialité en ne se limitant pas au tertiaire concentré ». Quelle stratégie comptez-vous développer en direction des territoires ?

 

Nos orientations pour l’avenir, dont les premières propositions ont été élaborées en janvier 2024, nous conduisent à élargir la compréhension de nos champs d’activité au-delà des espaces de travail.

 

Le rôle d’un syndicat c’est d’anticiper et de préparer les conditions permettant à ses adhérents de tirer le meilleur parti des évolutions des marchés. Des développements vont se poursuivre dans le privé, mais nous croyons plus que jamais à l’avenir de collaborations avec les collectivités locales de toute taille dans le cadre de projets intégrateurs.

 

Nous réfléchissons activement aux moyens et enjeux de promouvoir l’émergence de véritables intégrateurs de services pour l’immobilier bien sûr, mais au-delà pour tous les espaces de la vie, les villes et les territoires. C’est dans cet esprit que nous avons organisé le premier CONNECT FORUM le 2 juillet dernier à la Chambre de Commerce de Paris Ile de France, dont le thème était « Innovations servicielles et commande publique, le ticket gagnant des territoires de demain ». Cette réunion a été le cadre de prises de parole d’acteurs de collectivités, de spécialistes de la commande publique, de grandes entreprises d’infrastructures comme la SNCF, d’acteurs de collectivités locales telles le Port de Dunkerque, les villes de Dijon ou de Bezons.

 

Les uns et les autres ont illustré les attentes des acteurs publics en matière d’intégration de services, non seulement entre les différents métiers parties prenantes, mais également aux différents niveaux des projets, qu’il s’agisse de programmation, de pilotage, de réalisation, de financement et de maintenance. A l’image de l’offre globale de services immobiliers, les collectivités attendent une offre globale de gestion de projets de développement.

 

Comparaison n’est cependant pas raison : l’offre globale que nous imaginons ne prendra sans doute pas la forme d’un « contrat unique » avec un « interlocuteur principal », pour des projets de développements urbains de 5, 10 ou 30 ans. Il s’agit plutôt d’une coordination intelligente d’opérateurs de long terme travaillant dans un cadre commun et permettant l’optimisation en dynamique du développement des projets, pour apporter à la collectivité plus de services au moindre coût et lui garantir la continuité de chaque projet dans la durée.

 

Comment aborder ce nouveau marché ?

 

La présence du secteur privé aux côtés du secteur public est une tradition française. Sans même parler des opérateurs effectuant directement une mission de service public, tels la SNCF ou les HLM, notre pays a une grande tradition de délégation de services publics, de sociétés d’économie mixte, de concessions, de partenariats public-privé etc. Il s’agit ici simplement d’inventer l’étape suivante en continuant de défendre un modèle français qui a fait ses preuves, dans la diversité des modalités contractuelles. Ce nouveau modèle doit permettre de répondre aux contraintes de demain : mutations rapides des espaces, changements sociétaux, réindustrialisation, aménagement du territoire, neutralité carbone … sous la pression de finances publiques toujours plus contraintes.

 

Et concrètement ?

 

Concrètement, il faut inventer ensemble les processus par lesquels une offre de services ouverte peut associer en réalisation, financement, exploitation la plupart des grands secteurs d’activités : réseaux de chaleur, dépollution et traitement des déchets, métiers de l’eau, restauration collective, infrastructures de transports et aéroports, autoroutes et ouvrages routiers, équipements de loisirs, espaces verts, transport public de voyageurs etc. On verra alors des opérateurs de réseaux, énergie, transports, construction etc. se mettre en action pour la mise en œuvre d’un projet de développement et/ou de restructuration voulu et piloté par une collectivité publique, qui jusqu’alors traitait tous ces sujets séparément avec les difficultés associées de calendriers, de coordination, de superpositions etc. Notre ambition, c’est de déployer au niveau de la ville l’idée directrice du FM immobilier. Dès 2022, le Sypemi a rejoint l’Union Nationale des Services Publics Industriels et Commerciaux (UNSPIC).

 

Quels obstacles principaux au développement d’une telle stratégie ?

 

Aborder la question sociétale centrale de l’évolution de nos environnements urbains en termes d’opposition, de murailles à abattre ou d’obstacles à franchir ne me semble pas la bonne vision.  Les besoins existent, il faut savoir porter des projets sur 10, 20 ou 30 ans avec une continuité qui leur permet de trouver la pleine efficacité. Il nous faut pour cela associer dès l’origine l’ensemble des parties prenantes et trouver ensemble les chemins du progrès. Quels processus engager, pour quels objectifs et avec quelles garanties réciproques ? Tout reste à inventer, mais les bases sont solides et la volonté est bien là.