Accompagner l’évolution des zones d’activités en espaces de vie
Cette recherche porte sur les relations entre la qualité de vie des usagers des Zones d’Activités (les professionnels) et celle de ses habitants à l’échelle des territoires.
Elle pose la question des conditions et des moyens permettant d’enrichir la ressource immatérielle que constituent les zones d’activités pour en faire des zones de vie sociale.
Elle propose d’affiner le diagnostic, d’identifier des pistes, de recenser et d’analyser des expérimentations susceptibles d’enrichir les aménités des espaces de travail de celles des territoires.
1 – La finalité de la recherche
Il s’agit de co concevoir, entre entreprises, collectivités locales et institutions territoriales (CCI, organismes de développement local), des savoirs et des méthodologies permettant d’enrichir les aménités de vie sociales des Zones d’Activités existantes ou à créer. Comment faire des Zones d’Activités (ZA) économiques des espaces de vie sociale ?
Nos territoires héritent des effets de l’application sur la durée d’une pensée dominante de spécialisation des activités par zones rythmant la vie quotidienne des salariés et des habitants. Nos villes et nos agglomérations, par choix ou du fait des coûts fonciers (y compris des aides diverses), portent les stigmates de politiques de zoning réservant des espaces distincts aux domiciles, éloignés des espaces de travail, eux-mêmes éloignés des espaces commerciaux et des centres de loisirs ou de cultures. Dans le même temps, le phénomène de métropolisation se confirme, tendant à concentrer les choix d’implantation dans les zones déjà riches en potentiels de main d’œuvre résidant à proximité (45 mn max de transports).
Plusieurs phénomènes préjudiciables (externalités négatives) résultent de la généralisation progressive de cette approche, avec au premier chef, la contrainte de mobilités pendulaires entre :
- Le domicile et le travail, exigeant des travailleurs un investissement en véhicule personnel ou une fréquentation assidue des transports en commun, vécue comme un temps contraint dégradant sensiblement la qualité de vie au travail et les équilibres vie personnelle, vie familiale.
- Les centres de loisir/culture et les zones résidentielles, limitant l’accès aux familles les plus éloignées, le plus souvent dotées des revenus les plus modestes justifiant leurs stratégies de domiciliation en périphérie éloignées pour l’accès au logement ou à la propriété.
- Les lieux d’habitation et les lieux d’accès à la consommation, coûteux en temps, en énergie et en espaces d’accès comme de parkings, dimensionnés pour les périodes d’affluence.
Des zones d’activités, certaines emblématiques comme, en région parisienne, la Défense, Saint Quentin en Yvelines, Meudon Vélizy ou le plateau de Saclay, ont ainsi attiré nombre d’entreprises pour des fonctionnalités de transports et les possibilités de proximité d’activités par massification/ regroupement, et/ou, d’attractivité du foncier et de l’immobilier.
Ces promesses de performance se heurtent à l’émergence d’externalités négatives dans différents domaines :
- Une dégradation de la qualité de vie personnelle des usagers du fait de l’allongement des transports. Au-delà de la satisfaction, des conséquences plus graves, potentiellement ou de manière déjà avérée, sont anticipées sur la qualité d’engagement des personnes, voire sur leur santé.
- Une réduction (éloignement) des aménités proposées par les centres villes ou les zones de vie. Les entreprises sont alors parfois contraintes de compenser par des restaurants d’entreprises, des navettes, des conciergeries, des facilités d’horaires, voire, une incitation à l’extension du télétravail à domicile.
- Un taux d’occupation encore réduit (rendement dégradé) des espaces professionnels.
- Un renforcement des dispositifs de transports en commun et/ou de stationnement des véhicules individuels, saturant les voies de communications et les espaces pour des usages non optimisés (périodes de pointes alternant avec des temps de désertification).
- Un renforcement des dispositifs de sécurité pour pallier l’absence de vie dans les tranches horaires habituelles hors travail.
Des espaces de travail bien aménagés peuvent ainsi se révéler peu attractifs, voire répulsifs pour les salariés, notamment du fait de leur localisation et d’environnements mono activité. C’est lié aux difficultés d’accès (temps, aléas et incommodités), et cela, au moment même où le travail devient plus libre, dans l’espace et dans le temps, moins contraints par le besoin d’accès à des fonctionnalités accessibles à distance par des équipements individuels informatiques. C’est également lié aux évolutions des attentes des salariés soucieux de concilier au mieux leur vie personnelle, familiale, amicale, associative et culturelle avec leur vie professionnelle. Le télétravail est ainsi appelé à se développer, pas seulement au bénéfice du domicile personnel des salariés non nécessairement adaptés, mais également pour des tiers lieux dont l’offre reste peu conçue pour les salariés d’entreprises classiques.
Prenant conscience de ces enjeux, les entreprises cherchent des traductions concrètes à la notion de QVT qu’elles négocient ou cherchent à développer. En même temps, les collectivités cherchent à retenir les commutants et les nomades qui les traversent quotidiennement et à rapprocher leurs lieux de travail réels et/ou plus adéquates que leurs domiciles.
2 – Le levier de la performance recherchée
Malgré ces évolutions, la pensée qui domine dans les entreprises reste industrialiste (spécialisation, standardisation, massification, économies d’échelles, intégration technologique). Elle conçoit l’immeuble d’activité professionnelle quasi exclusivement autour d’une fonctionnalité : accueillir ses propres salariés à coûts maîtrisés et favoriser les conditions optimales d’un travail majoritairement exercé dans ses murs.
On sait déjà que cet espace de travail vaut aussi par les aménités de son environnement, en commençant par la proximité à d’autres centres d’activités (phénomène de métropolisation), au risque cependant de la ghettoïsation du fait de la spécialisation en « quartiers d’affaires ». Par aménités, on désigne les dispositifs ou ressources favorables, accueillantes, présentes au titre du patrimoine immatériel du territoire (transports et accès, ressources commerciales et culturelles, équipements de loisirs, de détentes, qualités symboliques et esthétiques…). Les exemples sont nombreux des refus ou de l’insatisfaction générés par des déménagements de sites de centres villes, même évidemment inadaptés et mal équipés, au profit d’immeubles neufs érigés en zones d’activités généralement implantées en périphéries et éloignées aussi bien des logements que des zones commerciales. Les fonctionnalités « internes » de l’espace de travail ne compensent pas les fonctionnalités perdues de l’environnement du fait de l’éloignement des aménités constituées d’une adresse noble, d’une proximité de commerces, de restaurations, de loisirs, de vie sociale.
Le service que délivre un immeuble (sa valeur d’usage) dédié au travail dépend de son environnement en aménités sociales que proposent diversement les territoires. Ce faisant, il s’agit de référer l’exploitation des actifs immobiliers à une sphère fonctionnelle, les aménités des environnements des espaces de travail, au-delà de l’immeuble et de ses équipements, intégrant comme partie prenantes les territoires et leurs offres de services de toute nature (habitats, éducations, loisirs, commerces…).
Inversement, l’espace de travail est une dimension aménitaire de l’espace de vie sociale. La présence d’entreprises et d’immeubles d’activités sont un actif pour les territoires. Par l’emploi, ils attirent les ménages actifs et constituent un potentiel d’activité et de consommation associée. Par la fiscalité, les entreprises financent la vie sociale locale, au-delà des équipements qu’elles suscitent. Encore faut-il que les zones d’activités soient ouvertes à la vie sociale environnante et inversement.
Notre hypothèse est que les frontières, comme les cartes, sont rebattues entre le travail et le social local avec les mutations en cours dans les entreprises et sur le travail. L’informatisation et la digitalisation offrent de nouvelles possibilités de travail à distance. Les comportements des ménages évoluent avec celle des rôles sociaux dans les familles. Les enjeux environnementaux imposent de nouveaux choix sur les mobilités et les usages des immeubles. L’exigence de QVT qui touche les entreprises ne s’arrête pas à leurs portes. La qualité du travail peut et doit trouver des ressources dans les environnements sociaux locaux.
C’est un enjeu pour les espaces en question, les territoires et leurs riverains. C’est un enjeu pour les entreprises et leurs salariés (qui parfois ne font que les occuper). C’est un enjeu pour les institutions des uns et des autres (CCI, organismes de développement, collectivités et régions). C’est un enjeu de développement économique, social et environnemental.
Les entreprises doivent inventer les conditions (sociales et environnementales) de la performance pour des activités intellectuelles, servicielles, communicationnelles, relationnelles, informationnelles… Ces activités ne sont pas exercées « hors sols ». Elles bénéficient ou pâtissent d’un contexte, d’une situation, d’un environnement. Ces activités en même temps participent du patrimoine des territoires. Elles peuvent être séparées, ou au contraire intégrées. Elles peuvent bénéficier des aménités des espaces de vie sociale environnants. Elles peuvent constituer à leur tour des aménités de la vie sociale.
En tenant compte de la transformation en cours des usages dans et hors travail, des hypothèses de « sublimation » des ZA économiques, des immeubles, des infrastructures, des équipements…, deviennent possibles. « Solides », contraints et immobiles, ces actifs peuvent dégager des ressources immatérielles nouvelles par leur qualité de soutien à la vie sociale.
3 – Les obstacles à surmonter
Ils sont identifiés notamment dans :
- Une tradition de séparation entre les centres de décision des entreprises d’un côté, des territoires de l’autre.
- Une faible acculturation des responsables d’entreprises aux enjeux des territoires en même temps qu’une connaissance parfois insuffisante des enjeux d’entreprises par les élus ou les responsables de développement territorial.
- Un contexte de recherche de réduction des coûts immobiliers par des choix d’implantations gouvernés par les coûts, méconnaissant les externalités positives générées par les territoires comme les externalités négatives parfois imposées aux environnements.
- Le contexte économique général (faible croissance, tension concurrentielle accrues, incertitudes renouvelées) contribue à durcir la position des employeurs sensibles à toutes opportunités de réduction de leur « dépense ».
4 – Ébauche de programmation des étapes de la recherche
Trois démarches doivent être conduites en parallèle :
- L’approfondissement du diagnostic de l’impact des choix actuels d’implantation des espaces de travail tout à la fois sur les salariés (attractivité, image, fidélisation…) et sur le bien commun que constituent les territoires environnants les entreprises (relations clients fournisseurs, partenariats…).
- L’analyse fine et la compréhension partagée par les acteurs des écosystèmes que constituent les Zones d’Activités des conditions d’enrichissement de leurs aménités sociales.
- L’accompagnement de projet de rénovations ou de réimplantations de zones d’activités insuffisamment attractives intégrant les aménités sociales des territoires.
A ) Constituer un groupe de travail réunissant des « utilisateurs de Zones d’Activités » et des responsables territoriaux (Collectivités, CCI…)
Capitaliser sur un « état de l’art des pratiques actuelles » et constituer un milieu innovateur.
B ) Mener sur le mandat du groupe des enquêtes, un recueil des pratiques, des supports, des analyses afin d’identifier les limites et impasses,
Partager une conception de la productivité et de ses conditions dans la coproduction de valeur servicielle
C ) Elaborer progressivement des protocoles d’expérimentations, avec l’aide de géographes et d’urbanistes…
Participer à l’émergence d’un milieu innovateur élargi,
D ) Accompagner des négociations et des projets de coopération spécifiques et adaptés. Conception et déploiement d’un protocole de suivi d’expérimentations (observation, accompagnement, évaluation, recommandations…).
Repérage/analyse/évaluation des effets sur le management et le travail, repérage des conditions d’accompagnement nécessaires.
- F) Mise au point « marketing », communication, diffusion des outils et des démarches associées.
Ce faisant, packaging et diffusion des innovations.