13 juin 2024

CAHIER 32 – Document 2

Déploiement de la propreté à l’usage dans un groupe industriel, 2018-2023 (2/2)
Retour d’expérience de la théorie en pratiques

Xavier Baron, consultant BCRH, Sociologie, co-fondateur et coordonnateur du CRDIA

 

Diffusé le 18/06/2024, avec le soutien de l’IDET et du SYPEMI 

Le présent retour d’expérience s’appuie sur :

  • les documents internes des instances de pilotage du contrat présenté dans l’article (1/2) paru dans les Cahiers du CRDIA de mai 2024 (« Déploiement de la propreté à l’usage dans un groupe industriel 2018-2023 : un contexte, un projet et des intentions d’innovation ») ;
  • une connaissance acquise au bénéfice de travaux menés depuis 2013 avec l’Entreprise ;
  • une consultation sur l’organisation d’une convention annulée pour des raisons de budget ;
  • la participation comme observateur en novembre 2019 à deux instances de gouvernance, ainsi que des entretiens auprès de responsables de partenaires de la propreté.

 

Le déploiement de la propreté à l’usage au sein d’un contrat Full FM

Des réussites et des avancées sont enregistrées :

  • L’intérêt reconnu de la forfaitisation[1] des prestations multi techniques ainsi que des petits travaux et services de proximité ;
  • La montée en puissance des clusters régionaux comme échelon opérationnel de gestion et d’animation de l’écosystème serviciel, avec des marges de progrès concernant la mutualisation des pièces détachées, des formations, des personnels d’astreinte/back-up ;
  • Une qualité de relation entre les responsables de sites de l’Entreprise et les équipes du FMeur, marquée par des comportements de solidarité.

 

Des limites ou des insatisfactions convergentes :

  • Des tensions, conflits et plaintes lors de la première année de déploiement, tout particulièrement sur la propreté à l’usage et, aujourd’hui encore, des niveaux contrastés de mise en œuvre.
  • Certains acteurs estiment que la propreté à l’usage n’était «qu’une justification pour la réduction de 15%, c’est compris comme cela, avec un slogan, ne pas nettoyer ce qui est propre… Mais évidemment ! Le discours était naïf : comme si précédemment, on nettoyait ce qui était propre ! Tout le monde en propreté faisait déjà en fonction de la salissure, du besoin, et faisait un peu de marge comme cela ». « L’Entreprise a forcé le jeu en espérant que le FMeur restituerait de la marge en faisant pression sur la propreté. Mais le FMeur semble avoir plutôt financé son propre dispositif, y compris en hospitality management (qui n’était pas financé d’après eux), sur le SLA propreté… ».
  • La récurrence des difficultés à concevoir, formaliser et partager les résultats de la production (évaluation de la satisfaction et mesure de la valeur). « C’est un vieux sujet, il a été identifié de longue date mais il ne trouve toujours pas d’instrumentation adéquate».
  • Un niveau d’élaboration et d’intégration inégal de l’Hospitality Management (HM) tel que suggéré par la philosophie servicielle du contrat, qui expliquerait en partie les difficultés récurrentes à intégrer les partenaires sous-traitants (propreté, gestion des déchets). Sans HM performant, le FMeur reste notamment démuni face à l’absentéisme, admis mais préjudiciable aux œuvrants[2].

Des processus de compréhension de la propreté distincts selon les sites

Si l’enquête n’a pas permis de corréler les difficultés rencontrées aux particularités des sites (activités, tailles, sociologies, prestataires…), il en ressort pour la propreté à l’usage des différences de rythme et de niveau d’intégration :

  • Rapides et peu conflictuels sur les sites majoritairement industriels, du fait d’un engagement des patrons opérationnels ;
  • Relativement aisés et naturels sur les petits sites (5 à 10 000 m²), équipes réduites, personnalisation des relations, interconnaissance, moins de postures. De manière générale, « c’est moins compliqué sur les petits sites, l’usage est de fait. Mais il n’y a pas de marge de manœuvre, pas non plus de fréquentiels contraints vu le peu de temps imparti ». Et puis, « dans les petits sites les gens voient les agents, il y a deux personnes, pas de management, souvent en quasi-temps plein, avec des gens très intégrés, connus, avec de l’entraide, on se connait, on se respecte ». Dans ces sites, « on y est, on fait à l’usage » sans le savoir, comme la prose de Monsieur Jourdain. Il y a une bienveillance, de l’autonomie, obtenues par force et confiance.
  • Encore complexes et non totalement acquis sur les grands sites tertiaires. Si de vraies crises ont éclaté dans plusieurs sites, les cas évoqués comme réussis sont majoritaires au terme des 5 années de déploiement.

 

Un bilan en demi-teinte

Fin 2023, les tensions et les conflits ouverts sur la propreté se conjuguent au passé, mais ont laissé des traces. « Les acteurs ont fait le boulot. Ils ont discuté, et on est arrivés à une prestation à peu près satisfaisante, avec un certain équilibre, mais dégradé, au moins au début. Restent 5 à 8 sites… sur les 43, on n’est toujours pas dans une propreté à l’usage ».

 

« 2018 a été une année de transition, et plusieurs situations de crise pour que l’Entreprise accepte d’écouter, de bouger ». « Puis la covid a permis de démontrer la pertinence d’un contrat de relation de service avec une solidarité des acteurs autour de la notion de préservation de l’activité économique ».

 

En pratique, pendant plus d’un an, l’Entreprise a vécu une période de baisse de qualité qui a généré des plaintes, donc une demande de rassurement et le retour des fréquentiels, parfois sous la forme de « planning des irritants ». « La propreté à l’usage : c’est on nettoie jusqu’à ce que cela soit satisfaisant (en plus bien sûr des espaces règlementés (sanitaires) », « on nettoie parce que cela le nécessite ». Il y a accord sur l’idée, mais on ne sait pas dire qui en est référent. « Sur ces sites, on a rétabli un équilibre, mais en dégradé ».

 

Au-delà, un enseignement émerge : cela déboucherait sur une gestion en « flux tendus, très tendus ». La propreté à l’usage est exigeante. « Ce qui est certain, c’est que l’on ne peut plus se permettre les bras cassés ». « Ne fait pas de la propreté à l’usage qui veut. Il y a des gens qui ne peuvent pas. On a dû déplacer des agents, des contremaîtres. C’est -30% en effectifs, des habitants frustrés, cela implique beaucoup de changements de personnes (le contremaître de XXX, on l’a déplacé sur un site d’une autre société). Oui, c’est un contrat qui tire vers le haut. »

 

Une idée acceptée mais encore fragile

Si de nombreuses appréciations soulignent qu’ « on ne fait toujours pas de la propreté à l’usage », « on bidouille », « on a rétabli ici ou là des fréquentiels non officiels », la plupart de ceux qui soulignent un objectif non complètement atteint convergent sur l’idée que c’est bien cela qu’il faut faire, qu’il faut obtenir, et que la propreté à l’usage « c’est une bonne idée, on y croit ».

 

Le choix et les contraintes associées sont de plus en plus acceptés. L’idée de la propreté à l’usage à fait son chemin. « Cela a été, malgré tout, une façon de faire bouger. Une exigence de montée en compétences du management de la propreté, une prise de conscience, qu’il faut valoriser, revaloriser, cartographier ».

 

Le contrat actuel serait ainsi à la fois « le meilleur laboratoire » possible, mais « comme toutes expériences, il est en butte à un réel qui résiste ». « Il s’est passé des choses. Plein de gens ont travaillé. On n’est plus dans l’industriel, on ne contrôle plus des fréquentiels, on a quitté une rive, sans retour, mais on n’est pas sur l’autre ». « On a tenté l’acculturation du management de FMeur sur le service client, un tour de France, une journée, des séminaires. Tout le monde entend confusément, c’est dans ce sens qu’il faut aller, et c’est bien un changement de paradigme ». « C’est quand même vrai que la pratique d’avant (mais les fréquentiels n’en sont pas la cause), ce sont des agents qui travaillaient à l’automatisme… qui faisaient comme d’habitude, comme on leur a dit. Il faut faire un gros travail avec eux pour qu’ils imaginent (que c’est à eux de) décider ce qu’il faut faire… »

 

Des enseignements

 

L’expérience de 5 années de déploiement de cette innovation aura démontré un besoin d’investissement, de communication d’information et de temps pour opérer la rupture avec les pratiques antérieures. Affaire de temps, de méthode, de formation ou d’instrumentation, la propreté à l’usage exige des efforts de définitions et des méthodologies renouvelées. Une piste a été explorée dans le zoning des espaces, sans être encore déployée.

 

Au-delà, la propreté à l’usage ne peut pas être mise en œuvre sans une intégration dans un système de management qui doit être pris en charge par l’Hospitality Manager (HM). Une partie des difficultés de celle-là réside probablement dans les insuffisances de celui-ci.

 

Un investissement insuffisant à l’origine de frustrations

 

« En 2018, les prestataires de nettoyage ont été tout de suite étouffés dans une ingénierie sociale d’urgence. Ils ont fait du commando, de la récupération d’urgence, de la gestion de crise… » témoigne un acteur. Il faudra attendre début 2019, des plaintes en CHSCT et des conflits sur plusieurs grands sites pour enfin mobiliser des moyens supplémentaires en conduite du changement et décider la production d’un « guide propreté selon le besoin[3]» par une consultante mobilisée par le FMeur, appuyée sur des groupes de travail.

 

La mise en œuvre de cette innovation fait ainsi émerger l’expression de frustrations mêlées d’amertume, d’un agacement tempéré parfois par l’ironie, d’une fatigue associée à un manque de reconnaissance, mais également une certaine fierté, « malgré tout », d’être dans cette aventure et d’aller dans le bon sens, avec :

 

  • L’expression de griefs à l’endroit du client et du FMeur « qui nous ont mis (sciemment pour les uns, naïvement pour les autres), dans une situation impossible ». « Pour le client, c’était peut-être -15%, nous on a été souvent obligé de faire bien plus… ». « Pour nous, cela a été -20%. Le reste c’est de la littérature ».
  • Des prestataires de propreté qui disent « avoir assumé », ils sont allés au combat, ont joué les bons soldats, mais « mal vécu ce qui a été perçu comme un abandon par le client ». « Les occupants ne gueulent jamais contre les femmes de ménage. Mais évidemment, ce sont quand même ces agents qui sont victimes de mesures de rétorsion».
  • La revendication d’une forme de réussite ; « on s’est débrouillés malgré tout» et d’une attente de reconnaissance. « Le résultat de tout cela, pour l’opérateur de propreté, c’est qu’on a dû faire tomber le curseur au mini, puis on a écouté les plaintes. Maintenant, on perd en cadence, on gagne en qualité, par un service à la carte, non pas à l’usage du local ou de l’équipement, mais à l’usage de l’habitant ».

Un guide produit début 2019 propose plusieurs définitions emboitées les unes aux autres, globalement cohérentes. L’ensemble témoigne d’un effort de prise en charge de la nouveauté, de la complexité, des nuances, mais parfois au prix d’une multiplication des vocables. Les tensions rencontrées en 2018 expliquent peut-être l’usure du premier terme « à l’usage » et l’utilisation d’expressions synonymes le contournant.

Ainsi il est question de propreté optimale, de propreté selon le besoin, une propreté plus responsable et plus efficace, en titre « une propreté comme résultat d’un juste besoin et d’un juste service en fonction de l’usage », « une propreté en fonction de l’usage », « de déclenchement de l’action de propreté en fonction du besoin »…

Il est précisé par exemple que : « Le service de propreté objet du contrat intègre une nouvelle approche de la propreté afin de créer une dynamique positive autour du concept de « PROPRETE OPTIMALE » à l’aide d’un nettoyage en fonction de l’usage des espaces ».

« Ce service propreté ne remet pas en question fondamentalement les pratiques techniques des agents de propreté mais en modifie les méthodes de gestion quotidienne (…) ». « Il a pour finalité de permettre de travailler dans un environnement propre à moindre coût en tenant compte de l’utilisation effective des espaces et d’éviter des nettoyages programmés pas toujours utiles ».

Et en surligné on trouve une définition de la valeur : « Il s’agit d’accroître la performance et l’intérêt du travail des agents de propreté en enrichissant l’impact utile de leurs efforts ».

Au terme de 5 années de contrat, le concept de Propreté à l’Usage commence à entrer dans le langage courant des acteurs avec même compréhension.

 

 

Un déficit de communication directe entre les opérateurs de propreté et le client

 

Pour l’Entreprise au niveau central, la philosophie du contrat suggérait qu’il revient aux prestataires (sans distinguer l’opérateur final du FMeur) d’inventer la réponse conceptuelle, opératoire et instrumentale à sa demande. C’est au prestataire de « produire » la bonne compréhension, puis d’obtenir par la concertation et la recherche d’un consensus avec les bénéficiaires, « la meilleure propreté atteignable ».

 

D’une part, cette compréhension n’a pas été partagée immédiatement par tous les représentants de l’Entreprise dans les sites. Certains, héritiers d’une forme d’externalisation continuée, conçoivent encore leur rôle comme « prescripteur technique, et garant de résultats absolus », sans avoir la main sur les budgets.

D’autre part, cette compréhension n’a pas été non plus immédiatement évidente du côté des prestataires. Beaucoup entendent la théorie proposée, mais tous n’y croient pas.

Enfin, dans la culture du FMeur, son rôle et sa responsabilité de porteur du contrat excluent que « ses sous-traitants » discutent directement avec les représentants de l’Entreprise. Ce trait culturel et technique apparaît clairement, avec le recul, en contradiction avec la propreté à l’usage. Les œuvrants, plus encore que les prestataires de propreté, doivent pouvoir dialoguer, évaluer, prioriser… ce qu’il convient de faire et comment, directement avec clients et bénéficiaires. Le FMeur, quelle que soit sa compétence ne peut se substituer au client final. 

Par réflexe et par principe, pendant 5 ans, le FMeur s’est refusé à faciliter le contact direct des prestataires de propreté avec les bénéficiaires. L’Entreprise l’a indiqué puis réclamé. En entretien les opérateurs de propreté soulignent : « Tout ce qu’on sait du client (l’Entreprise), c’est le FMeur qui le dit ». « On a appris l’existence de la première instance de gouvernance parce que le téléphone sonnait pendant la réunion, pour qu’on les aide à répondre aux questions ! ». « Il a fallu le covid pour que l’on gagne en pilotage, le monitoring, la conf call quotidienne pour les désinfections et une première réunion commune ». « Ce n’est cependant pas encore acquis et en place, souvent à distance ».

En 2024, pour la première fois, l’Entreprise a participé à une revue opérationnelle de reporting réunissant FMeur et nettoyeurs …

 

La piste non aboutie d’un effort de « zoning » des espaces

 

L’idée de zoning n’était présente qu’en filigrane dans le contrat, notamment en évoquant les espaces ou équipements règlementés (sanitaires) ou soumis à des exigences techniques particulières (salles blanches). Le guide, et parfois des opérations menées à l’échelle des sites, proposent une manière de sérier les enjeux en distinguant :

  • les zones sensibles qui relèvent de besoins définis dans l’appel d’offre, régies par des fréquentiels ;
  • les zones critiques, en pratique les zones qualifiées comme telles, « en collaboration avec le client », sans préciser si elles font l’objet de fréquentiels ;
  • les zones « selon le besoin », en pratique toutes les zones ni sensibles ni critiques, comprenant les espaces de travail, les circulations et ascenseurs, les zones de convivialité, et autres types de zones régies par des taches de nettoyage plus « périodiques », qui seront déclenchées collégialement en fonction de l’activité … Elles doivent faire l’objet « d’une concertation tripartite entre le client, le FMeur et le prestataire de propreté afin de définir les niveaux de propreté pour chacune des zones » (les moyens restant de la responsabilité du partenaire propreté).

Plusieurs pages sont ensuite consacrées à décrire l’organisation recommandée par le guide en matière d’analyse, de cartographie, de management, de pilotage, de communication de coordination, et un point est réservé à la « coordination avec les HM/officers. Se pose en creux la question du manager de substitution du partenaire, en cas de défaillance de l’employeur de l’agent de propreté.

Dans la pratique, « l’idée d’un zoning est venue d’en haut, par l’encadrement du FMeur et du Client. Cela a été fait apparemment dans quelques sites mais ce n’est pas assez matérialisé ».

« On s’est lancés dans des zonings, mais pas suffisamment codifiés ou processés. Dans nos sites on l’a fait, mais alors que le fréquentiel était devenu un gros mot, on a mis des plannings (pour rassurer le FMeur) et… on est repassés à des référentiels !».

 

Une définition de la propreté à l’usage toujours en débat

 

En 2024, l’acceptation d’une compréhension « relativiste » de la notion de propreté (aux moyens, aux usages, selon les périodes, les zones, les attentes) est de plus en plus présente.  La propreté n’est plus simplement définie par la conformité, tantôt à l’exécution d’un nombre d’heures, tantôt à des résultats prescrits contractuellement. Le recours aux tableaux des fréquentiels détaillés par nature de zone d’activité a été abandonné et remplacé par une formule qui précise que l’objectif de la prestation est « d’assurer la propreté des différents locaux du site », en conformité avec les réglementations en vigueur pour les salles à empoussièrement contrôlé par exemple, mais aussi pour tous les autres espaces : locaux tertiaires, sanitaires, etc. Aucune référence à des moyens n’est invoquée dans le contrat. Il appartient au prestataire de définir lui-même les moyens techniques et managériaux nécessaires et pertinents pour assurer la prestation.

 

L’enjeu de la définition de la propreté à l’usage reste cependant un espace de discussion, aujourd’hui encore ouvert. « La réalité simple c’est que le client a voulu une réduction du prix de la propreté, mais l’a-t-il assumé ? Sans doute oui, mais il ne l’a pas communiqué ni reconnu clairement au niveau des occupants, de peur des résistances et des réactions des partenaires sociaux ». Aussi bien chez les prestataires propreté que chez le FMeur, certains attendaient et continuent d’attendre que le client « dise ce qu’il convient de faire ».

 

En pratique, la prestation de nettoyage est hybridée entre :

  • des prescriptions détaillées en fréquentiels pour les zones qui sont définies par des sources réglementaires et sanitaires, ou pour des installations nécessitant le respect de procédures techniques ou sécuritaires (salles blanches, etc.) :
  • des prescriptions de résultats pour un nettoyage dit « à l’usage ».

 

La confirmation d’un besoin d’articulation étroite entre le HM et la propreté à l’usage

 

La fonction HM n’a pas été suffisamment effective pour accompagner la propreté à l’usage. Pour certains, le montage est bon, le HM est bien l’affaire d’hospitality managers, ils sont de la responsabilité du « pilotage » du FMeur, la difficulté n’aurait été que transitoire, liée à la nouveauté et à la difficulté compréhensible de recrutements de profils nouveaux. Pour d’autres, la difficulté est plus structurelle. Actuellement activés et encadrés par les équipes techniciennes du FMeur dans les sites, la compréhension, le positionnement et le rôle des hospitality managers ne seraient pas encore pertinents. Un prestataire propreté précise ; « L’hospitality management doit devenir un véritable support et non un contrôleur qui fait faire ».

 

En 2024, la confusion pourrait persister entre la réponse à une demande d’un management du FM par le client, et l’ajout de fonctions dites « hospitality officer ou manager » en option, et non en clé de voute. Un opérateur propreté indique ainsi ; « les HM HO (Hospitality Officers), c’est l’enjeu de la satisfaction client, c’est du service aux personnes, on connaît, c’est notre job. Ils (les HM mis en place par le FMeur) seraient supposés repasser en propreté, en mise en place, mais non. Ils appellent, ils se vivent comme nos interlocuteurs, mais ils ne veulent pas de tâches dégradantes. Ils tentent de recruter du personnel de type hôtelier/manager de services, ils forment, ils se donnent des moyens, mais ils ont beaucoup de mal ».

 

La propreté à l’usage suppose un dialogue permanent et direct avec le client

 

Certains opérateurs ont vécu comme une défausse l’absence de réponse du client comme du FMeur dans un premier temps[4]. Ils regrettent en outre que ce dernier ait érigé en principe l’absence de relation directe entre « ses sous-traitants » et son client, ne facilitant pas en amont les visites, ni n’autorisant dans le déploiement les échanges avec le client pour « traduire l’appel d’offre ». « On a bien compris qu’il s’agissait d’une part de définir un prix global forfaitaire et d’autre part de faire confiance aux professionnels », mais, d’une part « ce concept n’a jamais été correctement expliqué aux bénéficiaires chez le Client » et pour les prestataires propreté, « le problème a été que dans ce contrat, on n’est pas en B to C, et notre client, ce n’est ni la direction des achats, ni l’occupant, c’est le FMeur ».

Les partenaires propreté soulignent ainsi que le contact (dialogue…) entre eux-mêmes et le client, le donneur d’ordres et ses représentant n’est pas direct, surtout dans les grands sites. Il est encore médiatisé par le FMeur, sur un mode explicite, voire vécu par certains comme autoritaire. « Discuter en direct, jusqu’à la fin 2023 avec le client était une faute que le FMeur nous reprochait ». Certains précisent encore qu’ils (les prestataires sous-traitants) « ne sont pas autorisés à parler directement au client, menacés de déréférencement pour cela ».

 

En guise de conclusion : la crise covid a démontré la possibilité de coopération

 Un responsable Environnements du Travail de l’Entreprise conclut :

 

« La propreté à l’usage n’est pas une antienne marketing pour acheter moins cher un service dont la valeur est encore difficile à évaluer et mesurer, même si cette valeur est évidente pour tout un chacun. Elle est emblématique d’un système de coproduction serviciel entre bénéficiaires et œuvrants dont l’hospitality management constitue, ou non justement, la clé de voute au travers de sa capacité à relier tous les acteurs ».

« Tout le monde avait accepté l’idée simple que nettoyage + limitation de la salissure = propreté, au travers d’une définition commune que l’on pouvait alors cascader dans ce qui était utile de faire. Mais personne n’a assumé.

  • Les bénéficiaires, relayés par les organisations syndicales de salariés, n’ont pas voulu limiter leurs salissures et encore moins prendre en charge une partie du nettoyage au prétexte que c’était le boulot de l’employeur ;
  • Les prestataires de nettoyage n’ont pas su et pu modifier leurs habitudes de fréquentiels au motif de l’historique et de l’absence de capacité par les œuvrants pour le prix acheté par le FMeur ;
  • Le FMeur a eu beaucoup de mal à sortir du rapport de force avec les nettoyeurs qui leur permettait de faire de la marge sur la quantité pour faire de la marge sur la qualité, limitant aussi les relations entre œuvrants et bénéficiaires au motif d’un vrai/faux risque de délit de marchandage ;
  • Le FMeur n’a pas voulu assumer la responsabilité de la propreté qui lui était échue.

 

Il est tout à fait vrai que cela a tangué durant 24 mois…, jusqu’à la crise covid … Depuis cependant, nous constatons des progrès importants :

  • Les bénéficiaires veillent à restreindre leurs salissures et à mettre les œuvrants en condition de meilleure productivité ;
  • Les prestataires de propreté ont montré leur expertise et leur créativité en situation inédite. Ils sont sortis de l’invisibilité, mais aussi du fréquentiel de nettoyage, tenant compte du taux d’absence dans les locaux des bénéficiaires (télétravail). De plus, personne n’est là pour les observer tous les jours. Certains sites cependant sont sortis du duo initial de prestataires et ont été donnés à des prestataires locaux perçus comme plus pertinents ;
  • Le FMeur a dû montrer au Client les valeurs ajoutées des nettoyeurs mais aussi sa capacité de conception et déploiement d’un système de production de service, faisant fi de sa réticence première de prise de responsabilité concernant la propreté.

 

Il reste que … :

  • Le FMeur ne fait toujours pas appel à son réseau de HM pour interroger la salissure auprès des occupants. Le sujet reste à traiter sur quelques sites.
  • Les HM n’incarnent pas encore de façon homogène et mature la continuité servicielle demandée par le Client, au-delà de la propreté.

[1] Au niveau 5 selon la norme AFNOR.

[2] Les pratiques historiques de non-remplacement de personnels de propreté ont été accentuées par les accréditations préalables à l’accès aux sites de l’Entreprise.

[3] On notera le glissement sémantique opéré à cette occasion mais qui n’a pas complètement fait jurisprudence, le vocable « à l’usage » reste apparemment utilisé.

[4] Durant l’année 2018 riche en conflits dans plusieurs sites, avant de mobiliser une consultante début 2019 et lancer la production du guide.