BIM Exploitation :
REtour d’EXpérience du BIM LAB Thales
Ce que l’espace dit du travail
Innover sur les conditions contractuelles dans le FM :
le cas des « non-contrats » de Steam’O
Retour sur un document fondateur du CRDIA :
«Des services généraux aux aménités des environnements du travail, dépasser l’industrialisation des services»
BIM Exploitation :
REtour d’EXpérience du BIM LAB Thales
Michel Platzer pour les Cahiers du CRDIA,
à partir d’une monographie de 2017 de Xavier Baron & Thierry Berthomieu
Novembre 2020
Cette monographie est la restitution de l’enquête qualitative menée en 2017 à l’aide d’entretiens auprès d’une quinzaine d’acteurs du site de Thales Hélios situé à Vélizy-Villacoublay (50 000m²/2 500 postes de travail). L’objectif de ce travail est de mieux identifier et d’anticiper les impacts de l’introduction d’un outil numérique : Building Information Modeling Exploitation (BIM Exploitation), maquette 3D permettant d’exploiter un ensemble de bases de données, de visualiser et d’intégrer une partie des systèmes de gestion de la maintenance/exploitation des espaces de travail d’un site. Ce retour d’expérience (RETEX) est construit en trois parties : historique de cette innovation, présentation de l’outil et des premiers résultats, questions et hypothèses.
On peut souligner :
- la réussite d’un projet d’innovation commun dans un jeu d’acteurs associant propriétaire, client locataire, prestataire, équipes techniques, consultants et sous-traitants ;
- la mise en œuvre encore partielle mais réussie d’un outil pertinent porteur de valeur ajoutée bien approprié par les techniciens utilisateurs du prestataire ;
- une nouvelle organisation des équipes du site, l’apparition de métiers/rôles nouveaux ;
- un outil d’abord pensé pour l’exploitation mais aux effets qui commencent à être visibles pour le client et les bénéficiaires finaux notamment lors de la crise Covid19 ;
- des risques de tensions repérables entre :
- des gains avérés en conditions de travail, enrichissement des capacités de travail des techniciens et recherche d’optimisation/mutualisation pour des tâches à faible valeur ajoutée ;
- une logique industrielle de l’outil qui pourrait intensifier les charges de travail des utilisateurs du BIM sans gains réels pour les bénéficiaires ;
- une volonté de déployer la logique servicielle à travers une autre démarche dite « excellence opérationnelle », qui vise la personnalisation et l’enrichissement des contacts entre techniciens et bénéficiaires et pourrait se révéler incompatible avec certains usages technicistes du BIM ;
- des opportunités de mettre au cœur du système des œuvrants en capacité de connaitre les informations pertinentes pour imaginer et délivrer les services.
Un consensus fort apparaît à l’observation : le BIM Exploitation est une réponse instrumentale pertinente et rentable à terme. C’est un progrès pour les métiers techniques de la maintenance qui induit une adaptation des organisations locales du travail et, au-delà de métiers nouveaux, une manière renouvelée d’exercer les métiers du FM.
Le BIM Exploitation est une « innovation de rupture ». La mise à disposition d’une maquette facilitant la visualisation n’est pas seulement de l’ordre du confort, mais constitue une avancée importante dans sa dimension cognitive.
L’innovation incrémentale est ainsi, probablement, dans une perspective de valorisation immatérielle des activités par un enrichissement de l’information et l’extension de ses usages (consommation d’énergie, durabilité des équipements, maintenance prédictive, coûts main d’œuvre). L’extension des usages (par exemple sur les pièces détachées) est réciproquement un argument d’enrichissement des bases de données. Bref, le BIM Exploitation valorise l’information. Il en fait un facteur de production renouvelé (sous conditions d’usages), une source de valeur.
Plus encore et à moyen terme, nous faisons l’hypothèse que l’innovation de rupture sera dans des usages nouveaux, dans des usages qui n’existent pas encore, mais que la disponibilité de la maquette suggèrera. C’est l’offre de BIM qui créera des usages et une demande, et donc l’apparition de besoins et de nouvelles applications aujourd’hui « inconnaissables ». Il se peut alors, pour cela, que le BIM Exploitation se déplace en même temps que les enjeux du FM : des bâtiments et leurs équipements (dont il est aujourd’hui une représentation utile aux exploitants), à ses résidents qui en sont la raison d’être, la finalité économique.
Ce que l’espace dit du travail
Xavier Baron
Décembre 2015
La crise Covid19 interpelle l’open space, lieu d’échanges et de travail en commun mais aussi source d’interrogations sur les risques sanitaires. La réflexion critique présentée par Xaxier Baron voici 5 ans remet le sujet d’aujourd’hui en perspective :
« Les open space se développent, particulièrement dans les grandes entreprises du secteur tertiaire. Réduction des coûts, phénomène de mode, management plus ouvert, travail collaboratif… Les raisons invoquées ou qui sous-tendent cette nouvelle appropriation de l’espace sont nombreuses… Pour autant ces nouveaux espaces peuvent-ils changer la donne si le rapport au travail et à la création de valeur n’évolue pas ? » (introduction de l’article de 2015).
Innover sur les conditions contractuelles dans le FM :
le cas des « non-contrats » de Steam’O
Corinne Colson Lafon
Mars 2019
Ce que les grandes entreprises prestataires et clients hésitent à faire, une entreprise plus modeste peut le tenter au prix de l’engagement de son dirigeant et grâce à une qualité de relation.
C’est le cas de Corinne Colson Lafon qui a présenté au groupe de travail des cas d’innovation contractuelle pour des marchés de FM. A chaque fois spécifiques à une situation, pour répondre à des besoins particuliers et liées à la rencontre singulière entre dirigeants, ces innovations ont pris différentes formes : accord sans contrat au bénéfice d’un accord d’engagement, lettre d’intention, simple commande ; ou engagement à durée indéterminée. Elles ont pris en compte l’expertise et la capacité de conseil du prestataire. Dans tous les cas, ces formes innovantes ont impliqué le dirigeant du donneur d’ordres et l’instauration d’une confiance. Elles renouent avec ce pour quoi un contrat est fait : ni outil de gestion opérationnelle (affaire des annexes), ni moyen de communication, ni résultante d’un rapport de force dans la fixation d’un prix.
Steam’O présente ainsi les expériences d’une capacité à se comprendre et s’accorder sur ce que client & prestataire veulent faire ensemble.
Retour sur un document fondateur du CRDIA :
«Des services généraux aux aménités des environnements du travail, dépasser l’industrialisation des services»
Xavier Baron & Nicolas Cugier
Février 2016
Publié en 2016 dans L’Expansion Management Review, ce texte résume l’esprit de la démarche du CRDIA depuis sa création. Il reste largement d’actualité et Les Cahiers ont choisi de le reproduire « en supplément » dans ce numéro.
La France compte 3,4 millions de chômeurs (chiffres de 2015, N.D.L.R.) inscrits auxquels s’ajoutent à peu près autant d’exclus du monde du travail. Une étude de l’INSEE chiffre à 13,5% seulement la part de la population active occupée dans l’industrie (-5% entre 2005 et 2013) et à 77%, celle occupée dans le secteur tertiaire. Ce phénomène de redistribution de la force de travail comme des sources de la valeur économique post-industrielle n’est pas près de s’inverser.
Dans cette mutation, les activités de services en B to B au profit des bâtiments et des occupants des espaces de travail représentent de l’ordre d’un million de salariés et 50 milliards de chiffre d’affaire potentiel (source Hent Consulting pour le compte du Sypemi ).
Ces services dits de Facility Management (FM) émergent depuis 30 ans à la faveur d’un large mouvement de spécialisation et de professionnalisation dont une première étape a été dominée par un processus d’externalisation. Ce qui pouvait se réguler avec du « bon sens », des salariés maison et des connaissances historiques, doit désormais faire l’objet d’une gestion formalisée ; ratios, KPI & SLA (Key Performance Indicators & Service Level Agreements, N.D.L.R.), procédures, calculs de coûts et rapports de force entre partenaires sont les enjeux des processus d’appels d’offres et de contrats. Le Facility Management est un secteur jeune, encore émergent. Il est au cœur de la mutation d’une économie historiquement tirée par l’industrie qui s’est déjà métamorphosée en une économie tirée par les services. Il représente un potentiel de valeur économique, d’emplois et de croissance sans commune mesure avec les perspectives fragiles de réindustrialisation. Moins noble que l’assurance ou la banque, moins glamour que les loisirs et la communication, moins socialement valorisé que l’éducation, la police ou la défense, moins « évident » que la santé…, les services aux habitants et aux bâtiments, mais également les services informatiques et pour une part les services de gestion de personnel, n’en constituent pas moins un pilier de la servicialisation de nos économies.
Ce secteur est encore à la recherche de son « métier ». Il est pourtant déjà à la limite de l’asphyxie (voir « Le FM à la croisée des chemins », Xavier Baron pour le Sypemi), provoquant l’inquiétude des entreprises clientes qui en sont désormais clairement dépendantes.
La valeur économique et sociale de ces services n’est pas en cause, bien au contraire. La promesse de gains de productivité par l’intégration des services que porte le concept de Global FM est toujours de pleine actualité. Par contre, en France notamment, un défaut de pensée alternative à la logique industrielle handicape lourdement son émergence. Ces services sont en danger de mort par un excès d’industrialisation et de financiarisation. Ils ne sont pas pensés comme des services créateurs de valeur mais comme des prestations génératrices de coûts. Ils sont traités comme des biens et non comme des vecteurs d’une modification favorable de l’état des bénéficiaires et de leurs environnements. Ils ne sont pas compris comme une source de productivité pour le travail d’aujourd’hui : un travail majoritairement intellectuel, relationnel, informationnel, nécessairement collectif et finalisé sur une production intégrant une part immatérielle majeure.