6 juin 2016

Méthode

Consortium de l’Ile Adam,

Le programme de recherches expérimentations : Champs, objet, disciplines et choix méthodologiques

A travers ce texte, nous vous proposons de naviguer dans un ensemble de contributions diverses. Elles sont signalées par un lien pour un article accessible sur le site, parfois publié, souvent encore « in progress ». Il s’agit de partager les éléments naissant d’une pensée en construction du Consortium.

Il n’y a pas de produit intangible ou de service intellectuel qui n’exige des supports matériels. Il n’y a pas de valeur économique d’un bien tangible « manufacturé » sans référence à son usage, à son utilité sociale. Le FM en est emblématique d’un secteur économique concerné tout à la fois par la « mise à disposition » d’équipements (des immeubles, des centrales énergies, des véhicules) et des services. A l’opposé de la spécialisation, ce secteur émerge d’un pari ; celui de la fécondité économique de l’intégration de l’ensemble des services aux habitants avec celle des services aux bâtiments. Dans tous les cas, la production de FM est essentiellement immatérielle. Sa production est non aisément dénombrable et sa valeur n’est pas simplement mesurable. Y compris pour des activités peu qualifiées, cette part immatérielle de la production confrontent les gestionnaires de ce secteur, les acheteurs, les financiers et les directeurs des environnements du travail…, à un problème redoutable. A l’échelle du secteur, la valeur économique produite et attendue ne connaît pas aujourd’hui de traduction dans un modèle d’affaire soutenable.

Un Consortium de recherche et d’expérimentation

Pour le FM, au point de départ des enjeux de recherches expérimentations qui animent le Consortium de l’Ile Adam, il y a le constat d’un décalage significatif entre le modèle d’affaire hérité  et le modèle économique émergent ; la création d’utilité sociale pour les bénéficiaires est mal prise en compte par la valorisation monétaire le plus souvent centrée exclusivement sur les coûts [1]. Le secteur du FM est confronté à une question : Comment penser la productivité et organiser un travail invisible au profit d’une production évidemment utile économiquement et socialement, mais, immatérielle, une production qui n’est ni mesurable, ni dénombrable ?

Il doit pour cela rompre avec le modèle industrialiste et inventer un nouveau modèle économique compatible avec la logique servicielle et le développement durable. Le FM est de ce point de vue un secteur emblématique des mutations d’une logique industrielle à la logique servicielle. Contribuer par la recherche et l’expérimentation à l’élaboration de réponses à cet enjeu est le projet du Consortium de l’Ile Adam.

Mettre en commun pour produire de la valeur

Contribuer à mieux observer, comprendre les mutations en cours et expérimenter les conditions de la productivité du travail tel qu’il est devenu dans le Facility Management est l’objet du Consortium par une capacité à organiser des investissements en R&D sur ce métier en émergence. Il s’agit pour des donneurs d’ordre et des prestataires de FM de mettre en commun des efforts de recherche et d’expérimentation afin de contribuer à l’émergence d’un métier aujourd’hui « empêché » :

  • Inventer un métier nouveau et d’avenir pour les FMers.
  • Contribuer à la montée en niveau et en capacité d’une offre de qualité de ces services dont les donneurs d’ordre sont dépendants.

Pour les uns comme pour les autres, l’enjeu est dans l’exploitation d’un gisement de richesse et de croissance par le travail des œuvrants du FM et pour la performance productive des bénéficiaires.  Il s’agit, en développant ce secteur et la performance des activité de FM, de participer à une perspective de développement durable, soucieux de santé au travail et par le travail pour le 21ème siècle.

Un travail aménitaire pour une modification de l’état des bénéficiaires

Le travail et des services au services des aménités des environnements du travail, le FM, met nécessairement en œuvre le sens d’un travail placé entre la sphère privée et la sphère publique, entre une prestation et un service « rendu ». Le travail au service des services et de l’usage des environnements de travail est toujours singulier dans son intention (locale, personnalisé, contextualisé) comme dans sa réalisation. Il exige des compromis relativement aux moyens alloués. Il combine des activités en systèmes (un état du bénéficiaire dans un environnement « amène »), à l’échelle de l’œuvrant. Ce travail est producteur de valeur intangible. Il est cependant et largement, un travail invisible.  Il va très au-delà de l’exécution de prestations techniques. Ceci explique la difficulté du secteur à penser des modèles d’organisation qui permettent des gains de productivité au-delà de la réduction des coûts métier par métier. La prescription et la coordination comme modes dominants d’organisation ne sont plus opératoires.

Inventer de nouveaux modèles d’affaire

Faute de dégager des gains de productivité et des modèles d’affaire innovants, et au-delà de la mise à disposition de main d’œuvre au meilleur coût, clients et prestataires sont enfermés dans des logiques de défiance entre eux, de déflation salariale vis-à-vis des oeuvrants et de compromis en baisse sur la qualité. Un nouveau modèle d’affaire est à inventer pour le FM pour dépasser le modèle industrialiste, inadéquat pour ces activités et même contreproductif dans l’application de ses métriques gestionnaires.

Socialement valorisée (pour le concepteur d’applications numériques par exemple) ou au contraire vécue comme dégradante et pénible (les services généraux d’entreprise), la dimension d’interaction, d’utilité sociale et de coproduction des services n’est pas prise en compte dans les modèles dominant de représentation de la chaine de valeur. C’est un enjeu majeur d’évaluation de l’output (la valeur ajoutée) comme de l’outcome (le revenu et la rentabilité) pour le FM. Un sol propre ou le sourire d’une hôtesse n’ont de valeur qu’à condition de les référer au sens qu’ils prennent, leurs impacts sur les usages fonctionnels d’un espace de bureau. La notation par les bénéficiaires est une manière de « mesurer », mais qui présente des limites importantes. Précisément, parce que l’usage d’un produit/service dépend de l’utilisateur (usager, habitant, bénéficiaire), c’est toujours dans une interaction et dans une forme de coproduction que se réalise l’usage d’un espace de travail ou d’un équipement. C’est dans sa fonctionnalité que se valorisent les actifs immobiliers d’une part et les actifs humains d’autre part, par des gains de productivité au-delà de la réduction des couts.

Mettre les sciences du travail au service d’un FM émergent

Faute d’un investissement intellectuel et d’efforts de R&D, la capacité à penser et promouvoir des innovations servicielles se heurte aux shémas industriels. Faute de capacité à inventer/expérimenter un savoir et un savoir faire en innovations servicielles, c’est immanquablement le travail qui sera maltraité et la qualité de la production comme des environnements qui sera dégradée.

La valeur qui résulte des activités de services n’est pas (n’a jamais été) exclusivement économique. Elle n’est pas seulement industrielle. Servicielle, la valeur de la production est nécessairement subjective. Sa qualité n’est pas réductible à la mise en œuvre conforme de prestation. Elle est mieux définie par la notion de pertinence dans l’usage d’espaces qu’elle améliore pour les bénéficiaires. Elle requiert pour être appréhendée un regard sociologique (voire article 12) adapté et opératoire à la compréhension d’éco systèmes complexes dans une posture de recherche et d’intervention adéquate. Pour cela, le Consortium de l’Ile Adam s’appuie centralement sur les acquis des traditions intellectuelles que constituent les sciences du travail dans une perspective d’accompagnement des émergences et de l’action. La méthodologie adoptée en emprunte à la recherche intervention.

S’agissant de pratiques sociales finalisées, les outils, la conduite du changement comme le management devront composer avec une définition renouvelée de la performance intégrant la double exigence ; efficacité et légitimité. Puisqu’il s’agit de travail, l’efficacité est nécessaire.S’agissant de pratiques sociales, la légitimité est incontournable.

Dépasser la coordination, la tutelle, la subordination nécessite de construire des systèmes de management, des organisations du travail propices à installer la confiance, la coopération et la solidarité comme leviers opératoires de la productivité recherchée.

Xavier Baron

Mars 2017

[1] Voir, Le FM à la croisée des chemins, Livre Blanc du Sypemi, Baron X., décembre 2015.